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samedi 7 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -5-


Donc, de véritables disciplines pour les enseignements de base, voilà un des premiers traits affirmés de notre expérience. Nous commencions par là à être, sinon en rupture avec le système scolaire, du moins à appliquer des méthodes pédagogiques éloignées des recommandations officielles et de celles préconisées par les sciences de l’éducation en vigueur dans les instituts de formation de maîtres. A partir de là, nous pouvons dire que nous avions un projet affirmé, projet d’éducation humaniste, de formation classique selon les bonnes méthodes de l’école de la République qui avaient largement fait leurs preuves en leur temps, hissant au-dessus de leur condition des générations de petits paysans ou de fils d’ouvriers. Certes, elle était élitiste cette école puisqu’elle réservait ses bourses et ses aides aux meilleurs d’entre eux, afin qu’ils accèdent à une formation de qualité qui leur permettait ensuite une évolution sociale remarquable. Mais il nous a toujours semblé inconséquent, sous prétexte de se garder de l’élitisme tant honni par nos penseurs politiquement corrects, de gaspiller les talents en ne permettant pas aux meilleurs de développer leurs capacités. Nous avons relu « Le poisson rouge dans le Perrier », que nous avions dévoré avec délectation lors de sa parution en 1983.
Dans ce livre aussi implacable que drôle, deux enseignants présentent, avec force exemples savoureux, les idées qui sous-tendent la nouvelle pédagogie, et les multiples et incessantes innovations qui fleurissent chaque année dans les méthodes préconisées par les inspecteurs et chercheurs en pédagogie L’ouvrage, bien qu’ancien, n’est d’ailleurs pas dépassé car l’idéologie que développe l’Education Nationale est restée la même, et ses moyens se sont considérablement élargis.
Ne rien apprendre mais tout faire découvrir est et reste son leitmotiv. Primordial dans le primaire, le principe trouve son application à tous les niveaux et fait des ravages dans le secondaire où il prépare des générations de futurs scientifiques techniciens et manipulateurs, mais incapables de conceptualisation car trop attachés aux protocoles d’expérimentation et insuffisamment préparés à affronter les notions abstraites. Mais j’anticipe… 
 L’enseignement primaire aujourd’hui a donc pour préoccupation première, à l’aide se sorties et d’enquêtes en tous genres, de la confection de dossiers, de manipulations diverses, d’éveiller la spontanéité et de libérer la créativité des enfants. L’idée est généreuse, même si les discours sur l’école répressive et oppressive ne sont plus guère justifiés. En voulant proscrire toute connaissance « imposée  de l’extérieur » et toute contrainte éducative, l’enfant doit donc construire son propre savoir. Comme souvent, on réforme le vocabulaire pour mieux illustrer les nouveaux concepts, et depuis peu nos penseurs pédagogiques ont décidé de bannir progressivement de nos référentiels le terme sinistre et trop fortement connoté douloureusement de « discipline » pour le remplacer par celui, plus moderne et plus progressiste de « processus ». La réforme s’applique pour l’instant aux disciplines tertiaires, mais elle est parfaitement révélatrice du souci de nos décideurs. De même, il est malséant de continuer à parler de « programmes », auxquels on préfère le mot plus positif d’ « objectifs ».
 L’école, « lieu de vie », accueille en effet des bambins d’à peine deux ans, et doit compenser le manque affectif qu’ils subissent du fait de ces longues journées éloignées du cocon familial, « récupérés » souvent tard par des parents harassés et tout justes désireux de se détendre devant la télévision. L’école maternelle est devenu le substitut gratuit de la crèche, et  l’évolution des comportements est irréversible. L’école doit donc être ludique, agréable, d’autant qu’elle s’est fixé un objectif majeur, en ce qui concerne ces tous-petits levés aux aurores et abandonnés tout embrumés de sommeil dans la cour de récréation : elle assure leur socialisation. Le maître-mot est lâché, et que de fois ne nous a-t-on regardé d’un air suspicieux à ce sujet. Après le premier étonnement, après avoir admis que finalement du point de vue de l’acquisition des connaissances le fait de garder nos filles à la maison était sans doute un « plus » évident, notre interlocuteur avait soudain l’œil qui s’éclairait, il tenait l’argument majeur, incontestable, incontournable qui allait nous clouer le bec et nous emplir d’une confusion sans borne : « Mais finalement, vos filles, elles se sont pas sociabilisées… ». Socialisées, sociabilisées… peu importe la nuance sémantique, l’enfant scolarisé va appartenir au « groupe-classe », et de ce fait acquérir les modèles comportementaux nécessaires à son intégration dans la société.



2 commentaires:

  1. je découvre votre blog et le trouve passionnant, vous décortiquez les idées et les expériences et poussez l'explication à fond, exactement ce que je cherchais. Merci ! J'attends la suite avec impatience.

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  2. J'arrive déjà au bout... Vivement la suite !!! Merci pour ce partage !

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