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samedi 7 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -5-


Donc, de véritables disciplines pour les enseignements de base, voilà un des premiers traits affirmés de notre expérience. Nous commencions par là à être, sinon en rupture avec le système scolaire, du moins à appliquer des méthodes pédagogiques éloignées des recommandations officielles et de celles préconisées par les sciences de l’éducation en vigueur dans les instituts de formation de maîtres. A partir de là, nous pouvons dire que nous avions un projet affirmé, projet d’éducation humaniste, de formation classique selon les bonnes méthodes de l’école de la République qui avaient largement fait leurs preuves en leur temps, hissant au-dessus de leur condition des générations de petits paysans ou de fils d’ouvriers. Certes, elle était élitiste cette école puisqu’elle réservait ses bourses et ses aides aux meilleurs d’entre eux, afin qu’ils accèdent à une formation de qualité qui leur permettait ensuite une évolution sociale remarquable. Mais il nous a toujours semblé inconséquent, sous prétexte de se garder de l’élitisme tant honni par nos penseurs politiquement corrects, de gaspiller les talents en ne permettant pas aux meilleurs de développer leurs capacités. Nous avons relu « Le poisson rouge dans le Perrier », que nous avions dévoré avec délectation lors de sa parution en 1983.
Dans ce livre aussi implacable que drôle, deux enseignants présentent, avec force exemples savoureux, les idées qui sous-tendent la nouvelle pédagogie, et les multiples et incessantes innovations qui fleurissent chaque année dans les méthodes préconisées par les inspecteurs et chercheurs en pédagogie L’ouvrage, bien qu’ancien, n’est d’ailleurs pas dépassé car l’idéologie que développe l’Education Nationale est restée la même, et ses moyens se sont considérablement élargis.
Ne rien apprendre mais tout faire découvrir est et reste son leitmotiv. Primordial dans le primaire, le principe trouve son application à tous les niveaux et fait des ravages dans le secondaire où il prépare des générations de futurs scientifiques techniciens et manipulateurs, mais incapables de conceptualisation car trop attachés aux protocoles d’expérimentation et insuffisamment préparés à affronter les notions abstraites. Mais j’anticipe… 
 L’enseignement primaire aujourd’hui a donc pour préoccupation première, à l’aide se sorties et d’enquêtes en tous genres, de la confection de dossiers, de manipulations diverses, d’éveiller la spontanéité et de libérer la créativité des enfants. L’idée est généreuse, même si les discours sur l’école répressive et oppressive ne sont plus guère justifiés. En voulant proscrire toute connaissance « imposée  de l’extérieur » et toute contrainte éducative, l’enfant doit donc construire son propre savoir. Comme souvent, on réforme le vocabulaire pour mieux illustrer les nouveaux concepts, et depuis peu nos penseurs pédagogiques ont décidé de bannir progressivement de nos référentiels le terme sinistre et trop fortement connoté douloureusement de « discipline » pour le remplacer par celui, plus moderne et plus progressiste de « processus ». La réforme s’applique pour l’instant aux disciplines tertiaires, mais elle est parfaitement révélatrice du souci de nos décideurs. De même, il est malséant de continuer à parler de « programmes », auxquels on préfère le mot plus positif d’ « objectifs ».
 L’école, « lieu de vie », accueille en effet des bambins d’à peine deux ans, et doit compenser le manque affectif qu’ils subissent du fait de ces longues journées éloignées du cocon familial, « récupérés » souvent tard par des parents harassés et tout justes désireux de se détendre devant la télévision. L’école maternelle est devenu le substitut gratuit de la crèche, et  l’évolution des comportements est irréversible. L’école doit donc être ludique, agréable, d’autant qu’elle s’est fixé un objectif majeur, en ce qui concerne ces tous-petits levés aux aurores et abandonnés tout embrumés de sommeil dans la cour de récréation : elle assure leur socialisation. Le maître-mot est lâché, et que de fois ne nous a-t-on regardé d’un air suspicieux à ce sujet. Après le premier étonnement, après avoir admis que finalement du point de vue de l’acquisition des connaissances le fait de garder nos filles à la maison était sans doute un « plus » évident, notre interlocuteur avait soudain l’œil qui s’éclairait, il tenait l’argument majeur, incontestable, incontournable qui allait nous clouer le bec et nous emplir d’une confusion sans borne : « Mais finalement, vos filles, elles se sont pas sociabilisées… ». Socialisées, sociabilisées… peu importe la nuance sémantique, l’enfant scolarisé va appartenir au « groupe-classe », et de ce fait acquérir les modèles comportementaux nécessaires à son intégration dans la société.



jeudi 5 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -4-


Par contre, il est un domaine dans lequel il nous a semblé important de soigner l’apprentissage de base, d’être directifs et d’en faire une vraie discipline, au sens noble du terme, c’est l’expression française. Sa qualité passe par l’acquisition d’une parfaite maîtrise de la grammaire, et  d’un vocabulaire riche et diversifié.  Et la méthode la plus sûre d’enrichissement est la lecture. 
Je reviendrai bien sûr sur nos méthodes plus loin, mais je voudrais souligner d’abord l’importance de cet enseignement en tant que tel, et non comme accessoire comme on veut le faire de plus en plus, dans un délire de transversalité sur lequel nous avons aussi, plus que tout autre pour l’avoir pratiqué en continu et en grandeur réelle, notre avis. Il est primordial bien sûr, pour qui entreprendra des études supérieures, et ce n’est plus le fait d’une élite fortunée, mais le sort fréquent des jeunes actuellement, d’être capable de rédiger, de construire sa pensée, de trouver et surtout de développer une problématique. Certains pensent qu’en utilisant un vocabulaire abscons, truffé de néologismes ronflants et de tournures alambiquées, ils impressionneront leur lecteur, qui ne comprenant rien à ce qu’il lit, en conclura qu’il s’agit là d’un bel en bon discours fort savant. La ruse est éventée, et si le stratagème fonctionne parfois dans le secondaire? certains enseignants pensant que cette langue obscure cache sans doute des capacités qu’ils sont avides de valoriser, il n’est plus d’aucun secours dans le supérieur. D’autres pratiquent le « copié collé », le plagiat, ou pire la paraphrase, et c’est sans doute le travers le plus courant. L’usage de ces techniques montre malheureusement à l’évidence que ceux qui les utilisent ont rarement pris la mesure des textes qu’ils pillent, et même souvent qu’ils ne les pas lus, encore moins compris. Ils se privent dès lors de la possibilité de progresser, de se former, et de construire leur opinion et leur personnalité hors de sentiers rebattus. L’information pré-mâchée, simplifiée, voire gauchie sera leur lot et ils adhéreront sans état d’âme à l’opinion commune, dont on sait tout ce qu’elle a de réducteur pour la liberté.
Moyen d’accéder à la liberté de pensée, l’expression française est aussi vecteur de communication, particulièrement quand elle est orale. Nous étions un jour, avec Hélène aux journées portes ouvertes d’un grand lycée parisien, pour rencontrer les professeurs des classes préparatoires. Hélène, soucieuse de faire bonne impression, avait adopté avec aisance et naturel un registre de langage riche, et utilisait un français très châtié… sans affectation cependant. Le professeur qui nous recevait remarqua la qualité de son expression, la souligna, puis tout à coup s’inquiéta de ce que cette pauvre enfant puisse s’exprimer toujours ainsi, perspective qui lui semblait, avec raison, fort triste. Hélène l’assura qu’elle avait adopté ce registre par correction et souci de se mettre en valeur. Puis elle la rassura en changeant de langage, adoptant celui qu’on pratique couramment au lycée, avec la même aisance. Et là, je peux vous assurer, que ce n’est pas moi qui le lui ai enseigné… Elle l’a acquis seule, sans difficulté apparente, et très vite, devant la nécessité de s’intégrer. C’est vrai que, lorsqu’elles étaient plus jeunes, les filles ont eu parfois des problèmes d’expression, leur langage étant jugé trop précieux par les copines. Mais elles ont vite appris à se fondre dans l’ambiance, et à trouver le ton juste selon les circonstances.




mercredi 4 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -3-


L’anecdote peut sembler futile, et la faute corrigée avec autant de persévérance vénielle, d’autant plus vénielle qu’elle a aujourd'hui presque droit de cité, dans la langue parlée tout au moins. C’est en fait un état d’esprit permanent, qui a le mérite d’être exigeant au moment crucial des apprentissages, pour pouvoir ensuite se libérer des contraintes et carcans divers, quand cela n’a aucune conséquence néfaste.
Alors que la démarche inverse relève du défi. Prenons par exemple mes étudiants. Ils doivent rédiger à l’issue de leur stage en entreprise, un mémoire relatant leur expérience, et construire des études de gestion appliquées à partir de réalisations ou de problèmes détectés dans l'entreprise d'accueil. Certains se révèlent d’excellents stagiaires, débrouillards, ouverts, dignes de confiance, et donnent entière satisfaction à leur employeur qui n’hésite pas parfois à les embaucher ensuite. Mais lorsqu’arrive l’heure de la rédaction du mémoire, c’est une véritable catastrophe : ils se révèlent totalement incapables de rédiger quoi que ce soit d’intéressant, voire de simplement compréhensible. Leurs difficultés d’expression écrite se retrouvent à l’oral au moment de la soutenance dudit rapport, et lorsque je lis leur travail ou que je les entraîne à l’oral, j’assiste médusée à une prestation médiocre qui donne l’impression qu’ils n’ont rien fait durant leur stage, ni rien compris à l’entreprise dans laquelle ils étaient. 
C’est un véritable gâchis, car ils ne peuvent pas valoriser leur travail, faute de disposer des outils nécessaires pour le faire. Je n’évoque même pas les fautes d’orthographes qui émaillent leurs rapports et que le correcteur orthographique de leur traitement de texte ne corrige pas, et aggrave même souvent. Elles sont tellement nombreuses et habituelles qu’il y a belle lurette que nous ne les sanctionnons plus. Pourtant ces jeunes vont travailler dans le tertiaire, rédiger des courriers, des notes de service, des commentaires pour leur clients s’ils sont comptables. Et ces documents seront truffés de fautes monumentales. 
Les esprits avancés diront qu’il n’y a là aucun problème, que l’exigence d’une orthographe convenable n’a plus cours, et qu’il est stupide de s’émouvoir de cette évolution rendue inéluctable par la reddition du corps enseignant. D’une attitude extrême où l’on se voyait enlever 1 point dans une démonstration de mathématique à cause d’une faute d’orthographe, à l’incurie orthographique systématique des scientifiques, pseudos scientifiques et des autres, il y a eu des années de bagarres jugées inutiles et obsolètes par nos penseurs pédagogues. Le résultat se lit avec humour, puis énervement sur le Web qui est le lieu de toutes les dérives en la matière. Il se lit aussi dans les courriers de tous genres que nous recevons, et qui sont de plus en plus truffés de fautes. Et avez-vous remarqué combien les gens qui sont mauvais en orthographe remarquent vite les fautes des autres, ce sont les censeurs les plus redoutables ! 

Alors que faire ? Pour ma part, j’explique chaque année à mes étudiants, qui s’amusent beaucoup, que le « s » est la marque du pluriel pour les noms communs mais pas pour les verbes qui se terminent alors en « ent », que par contre les adjectifs ne s’écrivent pas « ent » au pluriel, je leur rappelle avec constance la règle d’accord du participe passé, et surtout je relis leurs rapports, je corrige les fautes, et ma collègue de lettres fait de même. Est-ce une hypocrisie ? Pas sûr, ils sont touchés par ce soin apporté à les corriger, et du coup ils deviennent plus attentifs à leur orthographe. Évidemment il n’y a pas de miracle, mais prenant conscience de l’importance du problème, ils ont l’idée, le jour où ils envoient une lettre de demande d’embauche, ou une lettre de motivation pour une inscription de faire relire leur prose, idée qui de toute évidence ne leur était pas venue quand ils ont déposé leur dossier de demande d’entrée en DCG. 
Admettons, puisqu’il le faut, que l’orthographe est la science des ânes, science cependant fort difficile à acquérir. Malgré notre rigueur, nous n’avons réussi que partiellement en la matière. Marie, en effet, était vraiment excellente, et corrigeait avec  efficacité les articles que nous parsemions de fautes dans le journal familial. Par contre Hélène a longtemps été loin d’être parfaite en la matière, mais nous avons réussi à lui inculquer, après de longues années d’indifférence de sa part, la nécessité de se relire, même si c’est assommant, et celle de soigner particulièrement l’orthographe des documents importants. Elle y met maintenant un point d’honneur, et, finalement, met un point d'honneur à présenter des textes convenables !!

lundi 2 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -2-


Chaque début d’année, dès que je disposais de mon emploi du temps au lycée, nous établissions un planning précis pour la maison, nous conformant pour les répartitions horaires aux instructions ministérielles, revues à la hausse dans les matières de base. Il s’agit là d’un débat beaucoup plus important qu’il n’y paraît à première vue, sur le temps consacré aux matières dites fondamentales, tant dans le primaire que dans le secondaire. Chaque année, ou plutôt à chaque réforme des programmes et référentiels divers, la controverse fait rage. D’un côté les tenants d’un système éducatif transversal et pluridisciplinaire, les autres craint « au loup » dès que l’on touche aux heures des matières principales. Il est reste d'actualité, à tout époque on s'interroge sur les heures à consacrer aux apprentissages de base.
Totalement persuadés qu’une diversification des acquis repose sur des fondations solides, nous avons passé beaucoup de temps sur les connaissances de base, lecture, grammaire, qualité de l’expression, logique mathématique surtout. Ce faisant, nous nous inscrivions en faux contre la tendance très active encore dans les méthodes pédagogiques imposées par la hiérarchie des personnels de l’Education Nationale, qui proscrit toute connaissance imposée de l’extérieur, et qui veut que l’enfant, mis en situation d’apprentissage, découvre par lui-même le plus de choses possible. On lit bien sûr, derrière ce discours, le rejet de toute contrainte éducative, stigmatisée comme étant nécessairement répressive sur le plan moral, social et comportemental.  Nous avons choisi d’être volontairement directifs, afin de donner à nos filles une solide culture de base qui seule pouvait leur permettre ensuite de se forger, en toute connaissance de cause, des opinions, et de développer leur curiosité. Nous pensions que les instruments de leur liberté morale étaient en particulier un excellent maniement de la langue française, outil de base pour d’une part s’exprimer, puis s’enrichir des travaux, pensées et développements écrits dans tous les domaines sur les sujets que leurs goûts ou leur formation leur permettraient d’aborder.
Pour parler de façon plus simple, savoir lire avec précision et en comprenant la teneur du texte lu, connaître toutes les élégances et les subtilités de la langue française pour saisir exactement la pensée de l’auteur, être soi-même capable d’utiliser le vocabulaire juste, le mot qui traduit avec le plus de clarté possible sa pensée, sont les pré-requis indispensables à toute culture ultérieure. Il nous semblait qu’il fallait commencer, à un âge où l’enfant est comme une éponge, très réceptif et surtout terriblement désireux d’appendre, par leur inculquer un français de qualité, voire exigeant. Cela s’est traduit, dès leur plus jeune âge, par l’emploi systématique du mot juste, même s’il était difficile, en ayant alors recours à la définition, et dès qu’elles ont pu l’utiliser au dictionnaire. C’était aussi la volonté de pratiquer la langue de façon scrupuleuse, reprenant sans pitié toutes les fautes d’expression orale, pour leur assurer plus tard un écrit correct. J’avais par exemple pris l’habitude de répondre à une phrase du type « c’est les chaussures que tu cherches ?», « ce sont »… Marie m’a dit ensuite qu’elle avait cru dans un premier temps qu’il s’agissait là d’une forme d’approbation d’un genre particulier, jusqu’à ce qu’elle comprenne que je redressais une incorrection, au demeurant fort courante mais assez malséante. Et lorsqu’il m’arrive, n’étant plus tenue à un devoir d’exemple, de dire « c’est les erreurs les plus courantes qui sont les plus difficiles à corriger », Marie veille au grain, et répond en riant « ce sont ».



dimanche 1 juillet 2012

PHILOSOPHIE DU PROJET -1-


Chapitre 4 
Le primaire : la philosophie de notre projet se révèle 

L’organisation de notre nouvelle vie s’est faite peu à peu, de façon très pragmatique. Nous n’avions en effet pas un plan préconçu d’éducation à la maison, et il ne s’agissait pas pour nous d’un choix idéologique rigide. L’idée qui nous a guidés durant toute la scolarité des filles a été de leur permettre de réintégrer le système scolaire à tout moment. Cela pouvait s’avérer nécessaire pour leur bien, ou du fait d’un événement extérieur qui nous aurait imposé une scolarisation rapide. Il était donc indispensable que notre organisation ressemble peu ou prou à celle de l’école. Bien sûr en primaire, nous avons pu rester très souples, et c’est heureux car sinon ce choix n’aurait présenté qu’un intérêt très limité… faire de l’école sans école, cela eut été stupide.
Mais nous avons cependant compris très vite la nécessité de mettre en place des emplois du temps précis, et de s’y conformer le plus fidèlement possible. Cela s’imposait d’abord pour nous. Je travaillais (et travaille toujours) à plein temps au lycée de Pons, et même si l’emploi du temps d’un professeur agrégé n’est que de 15 heures de présence dans son établissement, il s’accompagne de tout un travail de préparation des cours, de conception des devoirs et de correction des copies qui est important, mais qui présente l’avantage de pouvoir être fait quand on le désire. C’est ainsi que durant toutes ces années, j’ai passé mes soirées jusque fort tard, et tous mes dimanches à faire mon travail professionnel.
Michel quant à lui a une profession libérale et il a pu se permettre de décider de ses moments de liberté en organisant ses rendez-vous en fonction de mon propre emploi du temps au lycée. C’est ainsi que, traditionnellement, je demandais à mon proviseur adjoint d’avoir des cours en priorité le lundi et le jeudi, jours durant lesquels Michel ne travaillait pas. Mes collègues ne me disputaient pas le lundi, habituellement demandé comme jour de liberté, car il permet de compléter le week-end. J’ai par ailleurs la chance d’enseigner une matière « lourde », qui nécessite des cours groupés. J’ai donc toujours eu des emplois du temps compacts, étalés sur six demi-journées maximum. Le reste du temps, au début les filles restaient à la maison avec un travail à faire et à rendre lors de mon retour.
 Quand ce système se révéla mauvais car elles n’étaient pas très efficaces en mon absence, nous pûmes les installer chez Michel, qui avait une pièce disponible à côté de son cabinet. La proximité de leur père, même occupé à faire autre chose, les rendait plus sérieuses. Plus tard, nous profitions de mes demi-journées d’absence pour mettre les cours d’anglais qui furent assurés assez vite par un professeur extérieur. Mais cet emploi du temps s’imposait aussi pour d’autres raisons. Nous avons rapidement décidé de nous répartir les matières, selon nos goûts d’abord, puis selon leur charge horaire ensuite. Au début nous faisions tout tous les deux, un peu au feeling, et cela entraînait des distorsions de méthode dont les filles pâtissaient. C’est en mathématique que le problème est apparu le plus nettement. Michel, dont la logique est plus littéraire que scientifique, abordait les explications d’une façon totalement différente de la mienne, et le décélage de méthode, de logique perturbait complètement Marie. Nous décidâmes de nous spécialiser. En primaire, Michel se chargea de la lecture, de la géographie, et des sciences. J’assumais quant à moi le reste, histoire, maths, grammaire, et les matières artistiques auxquelles nous accordions une grande place.

vendredi 29 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -5-


La loi a donc mis en place un système plus efficace de contrôle et de suivi des enfants dans les familles. Après avoir réaffirmé le droit de l’enfant à l’instruction, entendu dans son sens le plus large, c’est à dire tant au niveau de l’acquisition des connaissances que du développement harmonieux de la personnalité, elle impose aux mairies une enquête vérifiant les raisons alléguées pour garder l’enfant, l’existence d’une véritable instruction et enfin les conditions de vie de la famille. Par ailleurs l’inspection d’Académie doit, au moins une fois par an, faire vérifier que l’instruction dispensée à l’enfant est bien conforme aux contenus des connaissances fixés par décret. Le texte fixe enfin un certain nombre de sanctions en cas d’infraction, dont une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 50 000 francs. Pas de doute, à partir de 1998, cette "menace" nous fut régulièrement répétée par les courriers de début d’année, accusant réception de notre déclaration d’instruction dans la famille. Mais de contrôle point !! par contre, nous eûmes à subir la mauvaise volonté de l’inspecteur d’académie, dans des circonstances plutôt nuisibles à notre fille, ce qui est paradoxal. Mais j’y reviendrai en temps utile.
Pour le moment nous ne sommes qu’en 1990, et seule la loi Ferry, appuyée par la loi Debré de 1959 est applicable. Il suffit de prévenir l’académie de son intention. Je pris donc ma plus belle plume pour aviser l’inspecteur d’Académie que nous assurerions, ainsi que la loi nous le permettait,  l’instruction de notre fille à la maison. Je reçus un accusé de réception de ma lettre, sans autre commentaire, sans menace, mais tellement laconique que j’en suis restée désorientée. « J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 8 juillet 1990, par laquelle vous avez déclaré assurer vous-même l’instruction de votre fille Marie née le 11 décembre .... Vous voudrez bien, conformément à la loi, informer le Maire de votre commune de votre décision. ».
Comment ? On pouvait aussi facilement que cela contourner l’école, et les services académiques ne s’en émouvaient pas plus que cela, laissant des parents se débrouiller sans autre forme de conseil, de directives ou de simples indications sur le contenu de l’instruction à dispenser. L’année suivante, il n’y eu même pas de réponse. En 1992, l’accusé de réception ne mentionnait qu’Hélène que j’avais ajoutée car elle atteignait à son tour sa 6ème année, et je me suis demandé si j’avais omis de noter Marie. En 1993, le ton était plus personnel, mais très laconique « Par lettre du 9 septembre 1993, vous m’informez de votre désir de poursuivre l’instruction de vos filles Marie et Hélène, ainsi que vous le faites depuis plusieurs années. Je prends note de votre décision pour l’année scolaire 1993-1994 ». Rien les années suivantes, il fallut attendre 1996 pour une lettre inhabituelle, et ne répondant pas vraiment à mon courrier «En réponse à votre demande de scolarisation à domicile de vos enfants Marie et Hélène, je vous informe que je vous autorise à procéder à leur instruction ». Je ne demandais en aucun cas l’autorisation de le faire, la loi m’en laissant clairement le choix. Le nouvel inspecteur d’académie faisait du zèle. Les années suivantes, la formule se fit plus neutre, donc plus proche de la légalité : « J’atteste que l’enfant Marie ..., née le ../../....  a fait l’objet d’une déclaration d’instruction dans la famille pour l’année scolaire.. ». Il devint par contre franchement désagréable en 2001, sans doute dans le souci d’appliquer au mieux les nouvelles dispositions de la loi de 1998, à moins qu’il n’ait choisi de montrer sa désapprobation personnelle et  nous avons alors eu avec lui des rapports assez tendus. J’en parlerai plus loin.
C’est ainsi que, munis de notre viatique, nous pouvions commencer l’aventure, dont nous ne savions pas du tout combien de temps elle allait durer. La décision avait été quelque peu conjoncturelle, et ne répondait nullement à une utopie. J’entends par là qu’il n’a jamais été dans notre idée de nous poser en adversaires du système scolaire, ou de le refuser a priori. Il nous a semblé, à un moment donné, préférable de continuer à nous occuper de Marie jusqu’à ce qu’elle puisse intégrer l’école de façon plus satisfaisante pour elle. Nous n’avons pas vraiment réalisé alors que l’écart qui nous posait problème au moment de l’inscription au CP ne ferait que se creuser et que d’année en année le même problème se reposerait, de plus en plus aigu, et qu’il deviendrait de plus en plus difficile de le résoudre autrement qu’en continuant l’expérience. Durant le primaire nous étions assez confiants, mais l’entrée en 6ème nous semblait une fin probable. 

ANNEXE : article de Libération de 2008 sur le sujet des parents qui choisissent l'instruction à la maison :
 «Non-sco» : la classe à part
17 septembre 2008 à 07:00
Education. Ces parents qui instruisent eux-mêmes leurs enfants.
Par MARIE-JOËLLE GROS
Leur «rentrée», c’est un pique-nique sur les pelouses du Parc floral, derrière le château de Vincennes, aux portes de Paris. Pour ces parents qui papotent dans l’herbe, c’est une journée presque ordinaire, sans stress. Nous sommes pourtant un lundi. Mais ils ne travaillent pas. Et leurs enfants jouent dans le parc. Sur des tables de camping, des tee-shirts frappés d’un slogan : «L’école n’est pas obligatoire, l’instruction en famille est légale.» Ce sont des militants. Des «non-sco» qui défendent le droit de ne pas envoyer leurs enfants à l’école et de les instruire eux-mêmes (lire ci-dessous).
En France, 3 000 enfants vivraient ainsi, dispensés d’école par leurs parents. Sur 12 millions d’élèves, c’est très peu, voire marginal. «On nous regarde de moins en moins comme des dingues, remarque pourtant Ghislain, père de quatre enfants. L’opinion a conscience que l’école crée de l’échec. Tout le monde connaît des enfants qui souffrent terriblement en classe. Le système scolaire fait à l’évidence des dégâts.» Eux plébiscitent les pédagogies alternatives. Mais les écoles qui les appliquent sont rares et souvent éloignées de leur domicile. Alors, quitte à préférer la différence, ils vont jusqu’au bout. Mais ils se défendent de «faire la classe». Pas de cours, pas d’interros écrites. «Plutôt que de bourrer le crâne des enfants, on leur laisse prendre leur temps. Juste en répondant à leurs questions, on voit bien qu’ils sont déjà en train d’apprendre», explique une mère. Evidemment, cela occupe les journées des parents. Ils ont fait le choix de vivre sur un seul salaire ou de travailler à mi-temps. «On n’a pas fait des enfants pour les confier toute la journée à la garderie», soutient une autre, qui emmène toutes les semaines ses enfants au musée, fait de la géographie dans la voiture, de l’anglais en regardant la télé, des maths en cuisinant…
Culture générale. Les parents les plus âgés paraissent archiconfiants. Comme s’ils ne craignaient pas de défier l’ordre scolaire. D’ailleurs, beaucoup sont d’anciens profs qui ont préféré prendre la tangente. Et soustraire leurs enfants à un système qu’ils connaissent trop bien. Ils dénoncent l’obsession française de la note et la «compétition». Ghislain : «La finalité de l’enseignement, c’est de distribuer des diplômes à âges fixes.» Eux misent sur la culture générale plutôt que de saucissonner les savoirs. Quand on objecte que tous les parents ne s’en sentent pas forcément capables, ils bottent en touche : «C’est l’école qui est élitiste en reproduisant les inégalités sociales.» Ils savent, cependant, que leurs enfants élevés à l’écart du moule scolaire auront du mal à composer, une fois adultes, avec la violence du monde du travail. «Ils seront sans doute leur propre patron», avance une mère. Sur les documents qu’ils distribuent, Maud Fontenoy ou Gilles de Gennes font part de leur parcours hors école. Preuve, si besoin était, qu’un épanouissement personnel encourage un grand destin.
Depuis quelques années, ce phénomène de parents-précepteurs semble connaître un renouveau. Ils sont rejoints, via Internet, par des jeunes qui parlent «nouvelle parentalité». Et qui prônent le «maternage», soit une relation plutôt fusionnelle avec les enfants, au moins sur les premières années de la vie. Pas de crèche, pas de maternelle, ils défendent l’allaitement longue durée et portent leurs bébés serrés sur le corps. Cet afflux de «néo-babas» fondus de bio ne passe pas inaperçu. Mais leur discours sur l’école semble moins convaincu : «J’ai fait le choix de rester avec mes jeunes enfants, explique une mère, mais je ne renonce pas définitivement à l’école pour autant. Je me poserai la question quand ils auront 6 ans et l’âge de rentrer en primaire.»
«Troupeaux». Véronique, 45 ans, ne manque pas d’humour. Elle se félicite d’offrir à ses enfants un parcours «hétérodoxe». Elle a retiré ses jumelles de l’école en CE2 : elles vomissaient avant d’aller en classe ou se tapaient la tête contre les murs. Ses filles sont assises à côté d’elle dans l’herbe. 16 ans et musiciennes toutes les deux. L’une raconte que parmi leurs copains du conservatoire, certains les envient de ne pas aller à l’école, d’autres ne comprennent pas, «parce qu’ils sont habitués à vivre en troupeaux». Elle en est persuadée : «Ceux qui vont à l’école ne parlent que de ça. Toute leur vie tourne autour du bahut. L’école, c’est une vie à part.»


jeudi 28 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -4-


Il y avait à l’époque, toujours selon ce rapport « 1 263 enfants… instruits au sein de familles dépourvues de tout lien avec les sectes ». J’avoue, qu’étant donné le soin que les services rectoraux mettaient à l’époque pour suivre nos filles non scolarisées, je me demande comment ils pouvaient prétendre savoir si nous faisions partie du premier ou du deuxième lot !! Ces faiblesses de surveillance sont d’ailleurs bien notées par le rapport Carle qui souligne : « Afin d'harmoniser l'attitude des corps d'inspection, qui oscille selon les académies entre un manque de vigilance, faute d'informations, et un repérage attentif et un traitement approprié des situations, l'éducation nationale a d'abord engagé depuis la rentrée scolaire de 1996 une formation de ses inspecteurs (IEN) qui n'a bénéficié pour l'instant qu'à 10 % du corps, soit 500 personnes, et une formation des chefs d'établissement volontaires à partir de la rentrée 1997. » La prise de conscience de l’ampleur du phénomène, plus particulièrement dans le cadre des établissements hors contrat, ou même à l’intérieur de l’éducation nationale elle-même imposait une sensibilisation des personnels, une mobilisation des corps d’inspection, et le renforcement du système de contrôle, assez inefficace à l’époque. « La formation de spécialistes " ès sectes " ne paraissant pas opportune, il conviendrait plutôt de sensibiliser à ce problème l'ensemble des personnels d'éducation dès leur formation initiale. Cet objectif passe à plus court terme par une formation spécifique des conseillers principaux d'éducation, des documentalistes affectés aux centres de documentation et d'information (CDI) qui devraient pouvoir repérer les brochures d'origine sectaire, des personnels médicaux et surtout des infirmières. L'enseignement catholique, via ses directions diocésaines a par ailleurs exprimé son souhait d'être associé à cet effort de formation et de sensibilisation. »
Malgré les dangers relevés, il n’a jamais été question de remettre an cause la liberté de choix laissée aux familles, et la possibilité pour elles d’assurer elles-mêmes l’instruction de leurs enfants. Le rapport relevait même la permanence du phénomène, dont elle soulignait au passage le caractère très marginal (0,3% des enfants de 6 à 16 ans). Jean-Claude Carle notait avec humour : « Autrefois considérée comme un choix pédagogique réfléchi, ou comme une aimable lubie dans les années 70, cette modalité de la scolarité obligatoire prend aujourd'hui un tour inquiétant avec le développement des sectes. » Mais il prenait ensuite la peine de justifier le maintien de la liberté de choix, avec un argument pratique incontournable : « Il reste que l'instruction dans la famille reste une composante incontournable de l'obligation scolaire puisqu'elle concerne notamment les enfants malades et handicapés, ainsi que ceux dont les parents sont itinérants ou expatriés. » Et, toujours pragmatique, il ajoutait : « Enfin, il est vraisemblable que le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication devrait contribuer à renforcer l'importance de l'instruction dans la famille. » Et de conclure que la suppression de la possibilité de laisser les enfants être instruits par la famille était « difficilement compatible avec le principe de la liberté de l'enseignement, tel qu'il a été proclamé par le décret du 29 frimaire an II (19 décembre 1793) qui a aujourd'hui caractère constitutionnel. »


mardi 26 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -3-



Donc, en juin 1990, elle avait largement atteint un niveau de fin CP, et se posait la question de sa scolarisation. J’appelai l’Académie, et pus m’entretenir assez longuement avec une inspectrice du primaire. Notre dialogue fut très chaleureux. Je lui expliquai le niveau et l’âge de Marie, et m’inquiétai d’une entrée en classe préparatoire où elle risquait de s’ennuyer très fort à réapprendre tout ce qu’elle savait depuis longtemps. Cette brave dame en convint avec moi, mais il ne pouvait en aucun cas être question de permettre à Marie d’intégrer un CE1. Elle n’avait même pas 6 ans, et elle ne voulait absolument pas lui permettre de « sauter une classe ». Nous nous quittâmes en excellents termes, mais mon problème n’était pas résolu. Michel et moi avons alors décidé de réfléchir jusqu’à la rentrée, mais deux mois plus tard, Marie en savait encore plus, et l’entrée en CP aurait été encore plus absurde.

Nous avons alors utilisé les dispositions dont je parlais plus haut, et qui  permettaient en France, comme dans la plupart des pays, de choisir éventuellement, et pour des motifs extrêmement divers, une instruction hors école. Cette possibilité existe encore, simplement mieux réglementée par les nouveaux textes. Afin de protéger les enfants en âge scolaire de l'emprise sectaire, le Parlement a adopté en première lecture et à l'unanimité la loi n° 98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Le Bulletin Officiel de l’Education Nationale du 3 mai 1999 précise à propos de cette loi que « le législateur a souhaité non seulement encourager la fréquentation scolaire, lutter contre toutes les formes d'abandon scolaire mais aussi veiller à ce que, au nom d'une liberté dans les choix d'instruction, les principes fondamentaux de l'éducation due aux enfants ne se trouvent dévoyés par une instruction sommaire, voire sectaire. » Plus loin, ce même document précise, dans une formule quelque peu lapidaire : «Chaque année, plusieurs milliers d'enfants échappent à l'École de la République. ».
C’est en 1998 que le Parlement et le Sénat se sont penchés sur le problème des enfants non scolarisés. L’actualité avait mis au jour des affaires d’enfants soumis à l’instruction de sectes, passant à travers les mailles du système scolaire et républicain. L'affaire dramatique de la communauté de l'ordre apostolique " Tabitha's place " avait notamment révélé en avril 1997 les difficultés du contrôle de l'obligation scolaire pour les jeunes éduqués au sein des familles ou des communautés. Une autre secte, dite " Horus ", installée dans le département de la Drôme. En octobre 1996 l’Education Nationale avait dû déposer une plainte contre un établissement parisien, baptisé " L'Ecole de l'Eveil ", proposant un apprentissage de l'anglais dès l'âge de trois ans et qui se réclamait du fondateur de l'église de scientologie.  Certains enfants étaient menacés dans leur santé physique et mentale,  victimes de violences, de brimades, de privations de soins médicaux. On les abrutissait d’une propagande intensive, et surtout on handicapait de manière irréversible leur insertion sociale et leur avenir professionnel. Le rapport de Jean-Claude Carle destiné aux sénateurs tentait d’estimer le nombre d’enfants en danger et les évaluait à environ 4600 hors région parisienne, dont un peu plus de 1000 recevant l’instruction dans leur famille. Le rapport ajoute : « Ces chiffres concernent à 80 % des enfants qui seraient scolarisables dans l'enseignement primaire. Il convient d'ajouter que de nombreux enfants dont les parents appartiennent à des sectes sont scolarisés dans des établissements relevant de l'éducation nationale : c'est le cas en particulier de 30 à 40.000 enfants de familles appartenant aux Témoins de Jéhovah et qui reçoivent en fait une double éducation » .

lundi 25 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -2-

 Malgré ces combats d’arrière-garde, la loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire, instaure l’obligation scolaire pour tous les enfants âgés de six à treize ans, à l’exception des élèves obtenant à onze ans le certificat d’études primaires et qui sont dispensés du temps de scolarité restant à courir. En 1936 l’obligation est prolongée jusqu’à 14 ans, et c’est l’ordonnance du 6 janvier 1959 qui porte à 16 ans le terme de l’obligation scolaire. Dans son article 1er, elle stipule que « l’instruction scolaire est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans révolus, pour les enfants des deux sexes, français et étrangers qui atteindront l’âge de six ans à compter du 1er janvier 1959 ». Elle reprend ensuite les modalités prévues par la loi de 1882, en précisant que cette instruction « peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publiques ou libres, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix. »

C’est en utilisant cette latitude laissée par la loi d’assurer soi-même l’instruction de ses enfants, que nous avons décidé en 1990 de surseoir à l’inscription de Marie en cours préparatoire. Elle savait lire couramment depuis début 1989, et comprenait parfaitement le contenu des textes qu’elle lisait. C’était déjà une grande lectrice. Capable de lire et de suivre des instructions, elle fit durant l’été 1989 3 cahier de vacances de niveau entrée en cours préparatoire. Cela l’amusait follement, d’autant qu’elle était parfaitement capable de les remplir seule, ce dont elle était très fière. Il fallait freiner son ardeur. En août 1989, il fallut entamer les livres de cours préparatoire, tant en français qu’en mathématique. Nous commençâmes à devenir d’excellents clients pour les éditeurs scolaires, achetant tous les livres d’un niveau donné, pour y trouver notre vie, en terme de pédagogie. Ce n’est qu’à l’usage qu’un ouvrage nous paraissait mieux adapté, mieux construit, plus utilisable que les autres. Notre cave est aujourd’hui encombrée d’un nombre impressionnant de livres scolaires, à raison de trois ou quatre par niveau, certains à peine entamés, d’autres usés jusqu’à la corde. Fin 1989 l’écriture était parfaitement acquise en minuscule scripte. Marie commençait à rédiger et à écrire sans modèle. Début 1990, il fallut s’attaquer en lecture à des fichiers de niveau CE1. Marie lisait des romans, des encyclopédies pour enfants, elle utilisait le dictionnaire, bref c’était déjà une véritable consommatrice de lecture. 

  Quand, le graphisme fut acquis, on aborda la grammaire de façon plus scolaire et plus traditionnelle, avec les exercices du Bled. Les premières dictées suivirent rapidement, à la plus grande joie de Marie qui a toujours excellé dans cet exercice. Toujours cette année-là,  on apprit la numération décimale, les additions simples et avec retenue, le calcul mental, le maniement de la monnaie, les comparaisons. On commença à faire de petits problèmes avec logique et déduction. Pour préparer l’histoire, Marie découvrit le calendrier, la notion de chronologie, les dates, les mois, les saisons, et nous réalisâmes un arbre généalogique pour mieux comprendre la famille, et l’écoulement du temps. Elle apprit à comprendre et à lire une carte de France, à distinguer villes et régions, et découvrit les notions de relief. D’autres activités complétaient son emploi du temps, mais j’y reviendrai.

dimanche 24 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -1-


Juin 1990 : Marie a 5 ans et six mois. Officiellement elle est en âge d’entrer à l’école. L’école, chacun le pense, est obligatoire à partir de 6 ans, ou plutôt dès l’année civile de la 6ème année. L’école ? voire !! Que de fois ne nous a-t-on demandé : « mais l’école n’est pas obligatoire ? », que de fois n’avons – nous répondu « l’école, non, c’est l’instruction qui est obligatoire ». Il faut remonter à l’esprit des débuts de la 3ème République pour mieux saisir la nuance.
Dans la ligne droite des législateurs de la Révolution, Jules Ferry considérait que l’enseignement primaire, laïque, gratuit et obligatoire devait permettre « d’assurer l’avenir de la démocratie et (de) garantir la paix sociale ». L’adoption du principe de l’instruction obligatoire a cependant suscité de vives oppositions. Certains y voyaient une atteinte à la liberté de conscience, et même à la liberté de l’enseignement, proclamée par un décret du 29 frimaire an II (19 décembre 1793), qui a d’ailleurs aujourd’hui caractère constitutionnel. Au cours des débats qui ont précédé le vote de la loi Ferry, les arguments sont parfois surprenants, mais il faut les replacer dans le contexte d’une France très largement rurale et agricole.plus dévoués, et vous le livrez aux mains souvent indifférentes d’un maître d’école, aux conseils de ces vauriens qui l’entraînent partout et qui lui apprennent tout ce qu’il devrait ignorer… Le projet, s’il est adopté, ne servira qu’à donner le goût de la fénéantise aux enfants éloignés pendant sept ans des travaux agricoles, tandis que, sous les yeux de leurs parents, ils seraient devenus des hommes laborieux, actifs et utiles à la société. Là au moins, ils eussent appris l’agriculture et la religion, les deux sciences les plus nécessaires à la campagne, les plus fructueuses aussi…
 Le sénateur de la Dordogne, Marie-François-Oscar Bardy, après avoir expliqué que pour lui ce qui est en cause, ce n’est pas le principe de l’enseignement obligatoire, mais bien la liberté d’enseignement et de conscience, proclame « l’obligation scolaire apparaît comme le procédé mis en œuvre pour répandre un enseignement particulier, spécial, déterminé, comme l’instrument de coercition tenu en réserve pour imposer à l’enfant un enseignement d’Etat placé par un monopole de fait à la fois déguisé et violent, au-dessus de toutes les concurrences et de toutes le rivalités. ». Pour lui, le péril est que la loi érige en monopole l’enseignement d’Etat, reprochant aux concepteurs du projets d’ « arracher l’enfant au père pour le donner à la République ». Certains affirment que contraindre les enfants de pauvres d’aller à l’école, c’est affamer les parents, les priver du mince salaire qu’ils leur rapportent. Le vicomte Hippolyte-Louis de Lorgeril se fait lyrique quand il déclare : « Avec le projet du gouvernement, dès la sixième année, quand les soins maternels lui sont encore indispensables, quand son cœur s’ouvre le mieux aux bons conseils et aux bons exemples donnés par la tendre autorité des parents, vous enlevez l’enfant à ses gardiens les plus affectueux et les

vendredi 22 juin 2012

L'ERE MONTESSORI -fin-


Pour finir, le travail sur la logique peut se commencer très tôt : l'idéal, en la matière, est tout simplement le tableau à double entrée, qu'on peut décliner de différentes façons. 
L’approche Montessori est extrêmement cohérente et convaincante car elle obéit à une série d’objectifs parfaitement précis. Tout d’abord l’enfant apprend à son propre rythme, en répétant le même exercice aussi souvent qu'il le désire, pour enfin arriver à de nombreux accomplissements couronnés de succès. De cette façon, il développe une attitude positive face à l'apprentissage. Chaque nouvel échelon est basé sur ce que l'enfant a déjà maîtrisé. Ainsi, on lui enlève le risque d’échec. Quand les réussites s'enchaînent, cela lui donne une confiance en lui et le rassure.
Un autre point très positif est que ce système aide l’enfant à développer des habitudes de concentration. Un apprentissage efficace présuppose une capacité d'écouter attentivement et de suivre des consignes. Grâce à une série d'expériences captivantes, l'enfant accroît graduellement son pouvoir de concentration. S’y ajoute le désir permanent d’aller plus loin. Une curiosité profonde, persistante et constante est indispensable à un apprentissage créatif. En fournissant à l'enfant des moyens de découvrir, de qualifier, d'explorer et d'établir des relations applicables à toute situation d'apprentissage, on stimule son désir naturel d'apprendre. Cela permet en outre de développer des habitudes d'initiative et de persévérance.
Par ailleurs on encourage des habitudes d'initiative : les consignes sont très claires et une fois un travail commencé, on doit le terminer et une fois terminé, on se doit de le ranger. Cette exigence de finir un travail stimule graduellement chez l'enfant des habitudes de ténacité. Il me faut bien avouer que si nous avons su développer chez nos filles cette ténacité, leur aptitude à l’ordre ne s’est pas du tout épanouie. Normalement dans une classe Montessori, chaque article est a sa place et l’enfant acquiert une certaine discipline en matière de rangement. Que s’est-il passé chez nous ? Je crains que, pressée par les autres tâches à accomplir, ou par le désir d’en faire plus, je ne me sois trop systématiquement chargée de la remise en place des matériels et que les filles n’aient pas acquis ces réflexes d’ordre que Montessori est censé développer chez l’enfant.
 Montessori aide bien sûr l’enfant à développer ses habiletés sensorimotrices. Ce développement est stimulé grâce à la manipulation d'une variété de matériel conçu à cette fin. Les découvertes de la doctoresse Montessori et les conclusions de la psychologie moderne ont inspiré la conception d’un matériel didactique qui a fait ses preuves. Des tâches qui requièrent le raffinement de la fine et la grosse motricité permettent à l'enfant d'acquérir un contrôle sur ses mouvements. Les mouvements musculaires exécutés dans plusieurs des tâches et des exercices de base sont en fait une préparation indirecte à l'écriture.
 Confronté à des stimulantes de triage et d'assemblage qui leur permettent de reconnaître les similitudes et d'identifier les différences quant à la taille, la forme, la couleur, la texture, l'odeur, le son, etc l’enfant développe sa capacité de choisir et de juger. On stimule donc son acuité sensorielle. Sa capacité de décrire son monde sera proportionnelle au raffinement de ses sens. Grâce à des activités stimulantes, on encourage l’enfant à exprimer et à mettre en pratique ses expériences d'apprentissage. En lui donnant l’occasion de s'exprimer au moyen du mouvement, de formes, de couleurs, de sons on l’aide à développer sa créativité et son imagination. Les exercices de vie pratique, le matériel sensoriel, les mathématiques, la musique, les arts, la langue et les sciences sont à la base de son apprentissage. Plus tard, cette fondation lui servira afin de mieux saisir le sens des mots, des idées et des concepts nécessaires à la lecture.
Finalement l'approche Montessori aide l’enfant à développer des habitudes de travail, une bonne attitude, des habiletés, de la gratitude et des idées qui sont indispensables à tout apprentissage tout au long de sa vie. Même si nous ne l’avons appliquée qu’imparfaitement, et avec des digressions nombreuses, nous restons persuadés que ces bases ont été d’un grand secours pour la suite de leur développement. 


Nous avons, durant cette période, construit les matériels Montessori, qui n'existaient pas à l'époque (fin des années 80) mais on en trouve actuellement sur de nombreux sites, ainsi que des fiches pour les utiliser au mieux. Notre autre fournisseur de matériel pédagogique était Nathan, qui offre, en matériel scolaire, un grand choix de jeux éducatifs, solides, sobres et de qualité.

jeudi 21 juin 2012

L'ERE MONTESSORI -15-


Additionner, soustraire, multiplier et diviser des nombres à quatre chiffres s’apprennent sans difficulté avec les « perles dorées ».
 Pour additionner,  l’enfant prend une quantité de perles sur un plateau, une autre quantité sur un autre. Puis il sélectionne les cartes correspondant à la représentation de ces deux quantités. Il combine ensuite les deux quantités sur un grand plateau et sélectionne de grandes cartes pour représenter le total.
Le principe de l’addition avec retenue se comprend parfaitement grâce à un matériel complémentaire, des jetons en forme d’anneaux qui s’enfilent sur des peignes verticaux dont la taille est conçue de telle façon qu’on ne puisse pas en empiler plus de 10. Dès lors qu’il faut ajouter 5 à 8, l’enfant constate qu’il a réalisé au passage une dizaine, et qu’il obtient un résultat comportant 2 chiffres, le 1 de la dizaine et le 3 des unités. Il paraît que Marie se souvient très précisément de ce matériel qu’elle a, dit-elle, particulièrement adoré. La raison peut en sembler futile : les anneaux de plastiques avaient une odeur particulière qu’elle trouvait très agréable, et elle avait un grand plaisir à l’utiliser. Ce qui est amusant dans cette anecdote c’est qu’elle montre combien le plaisir est important dans l’apprentissage car Marie empilait joyeusement ses anneaux juste pour manipuler ces jetons dont l’odeur lui plaisait.
Pour la soustraction, on place une importante quantité de « perles » avec les grandes cartes correspondantes sur un large plateau. Puis on donne un plateau plus petit à l'enfant avec un nombre inscrit sur une petite carte. L'enfant "enlève" cette quantité de perles du large plateau et la met avec les petites cartes. Enfin, l'enfant trouve les cartes équivalant à la quantité restant sur le grand plateau, ce qui représente la réponse. Avec ce jeu les enfants ont la réelle impression que la soustraction est la mise en morceaux d'un grand nombre en d'autres plus petits.
Lorsqu'il apprend la division, on dit à l'enfant que la division signifie le partage équitable entre plusieurs « personnes » et que la réponse est toujours ce qu'une de ces personnes reçoit. S'il doit diviser 1574 par 3, il commence par prendre le matériel pour représenter le nombre 1574. Il doit alors partager cette somme de façon équitable entre trois plateaux, en commençant par le Cube du Millier. Puisqu'il ne peut évidemment pas diviser le cube, il l'échange contre 10 Centaines. Il possède maintenant 15 Centaines - les 10 nouvelles plus les 5 du départ - et il commence à les distribuer entre ses trois plateaux. Chaque plateau reçoit 5 Centaines. Ensuite il distribue les 7 Dizaines. Après en avoir mis 2 dans chaque plateau, il se retrouve devant le problème du début: il lui reste une dizaine qu’il ne peut partager. Il l’échange alors contre 10 unités et se retrouve avec 14 unités. Après avoir posé 4 unités par plateau, il réalise qu’il ne peut pas faire un tour de plus, il lui reste deux petits cubes en main. La réponse est ce qu'un plateau a reçu, 524, avec un reste de 2.

Pour la découverte des fractions nous avions un autre jeu éducatif sensationnel, très ludique et très efficace, le loto des tartes. Tout une série de cartes représentaient des portions de tartes aux fraises ou aux pommes, fort appétissantes et l’on apprenait dans un premier temps à les reconnaître, à les nommer, à les comparer et à les assembler. Mais l’originalité du jeu et ce qui faisait son côté éducatif très efficace, était que la série de cartes photographiées sur carton était complétée par une série identique de cartes transparentes et superposables, grâce auxquelles on pouvait reconstituer la tarte entière. On apprenait ainsi, avec un vague parfum de gourmandise, à ajouter à une demie tarte un quart, puis un huitième, puis un autre huitième pour obtenir finalement le gâteau entier prêt à être dégusté !

mercredi 20 juin 2012

L'ERE MONTESSORI -14-


Par contre le matériel Montessori a été omniprésent pour l’apprentissage des mathématiques. Dans une classe Montessori on apprend les nombres à l'enfant grâce à un ensemble de barres rouges* et bleues qui représentent les quantités de un à dix. L'enseignant aide l'enfant à compter les parties alternativement rouges et bleues de chaque barre alors qu'il les arrange en forme d'escalier. L'enfant appelle la plus petite Barre Un, la suivante Deux, et ainsi de suite. La Barre Numéro Deux est un élément, elle est aussi égale à deux Barres Numéro Un.
En travaillant avec ce matériel, l'enfant gagne l'opportunité de découvrir de nombreux faits mathématiques. Par exemple, s'il place la Barre Numéro 1 sur la même ligne que la Barre Numéro Deux, il aura exactement la même longueur que la Barre Numéro Trois. L'enfant est également capable de voir des divisions de base; par exemple, la Barre Numéro Deux s'ajustera sur la Barre Numéro Six exactement trois fois.
Il peut aussi utiliser les barres pour les nombreuses combinaisons qui aboutissent à la Barre Numéro Dix. Il peut placer la Barre Numéro Un à côté de la Barre Numéro Neuf, la Barre Numéro Deux à côté de la Barre Numéro Huit, la Barre Numéro Trois à côté de la Barre Numéro Sept, la Barre Numéro Quatre à côté de la Barre Numéro Six, et deux fois la Barre Numéro Cinq. 

La découverte  du système décimal se fait grâce aux "Perles Dorées" (les miennes étaient roses !). La petite perle représente une Unité. La barre faite de 10 Unités représente une Dizaine. Dix Dizaines regroupées entre elles forment un carré pour représenter une Centaine, et une pile de 10 carrés de Centaines forment un cube et représentent un Millier. Impossible bien sûr en ces temps reculés (nous étions dans les années 80) de trouver un tel matériel tout fait, et j’avoue que la perspective d’ enfiler des centaines de perles (et plus je n’avais que des perles roses nacrées pas très belles!!) sur des fils de fer pour leur donner une certaine rigidité m’a un peu affolée. 


J’ai laborieusement commencé ce travail de titan, mes barre des dizaines étaient vaguement tordues et rarement de même longueur, et je n’étais guère satisfaite de l’allure de mon matériel, quand j’ai eu la chance de découvrir chez Nathan un matériel très comparable, constitué de petits cubes d’aspect crémeux, très agréables au toucher. La dizaine était une jolie barre striée de 10 cubes, la centaine un carré bien régulier et le millier un cube très évocateur. On explique à l’enfant que compter de grandes quantités d'unités est maladroit et prend du temps. C'est ainsi que dès qu’il possède 10 Unités il les échange contre une Dizaine. Lorsqu'il a 10 Dizaines il les remplace par une Centaine et s'il a 10 Centaines il les échange contre un Millier. Les cartes des chiffres correspondant sont écrites de différentes couleurs pour indiquer les colonnes du système décimal. On écrit les Unités en vert, les Dizaines en bleu, les Centaines en rouge et les Milliers en vert de nouveau (parce que les Milliers sont en réalité les Unités de Milliers, suivis par des Dizaines de Milliers, etc...).

* Les barres rouges : sans doute la matériel Montessori le plus simple à fabriquer : il suffit d'avoir un tasseau que l'on coupe aux bonnes dimensions (10, 20, 30 ... jusqu'à 100 cm) et qu'on peint en rouge !

mardi 19 juin 2012

L'ERE MONTESSORI -13-

 C’est vers l’âge de 4 ans que Marie a manifesté un intérêt puissant pour la chose écrite. Nous étions très méfiant sur l’utilisation d’une méthode globale ou semi globale, et avons choisi une méthode très particulière, celle mise au point par Clothilde Silvestre de Sacy qui s'adresse plutôt aux enfants dyslexiques et en difficulté solaire. Cette méthode, phonétique et gestuelle, appliquée dès le début de l'apprentissage et surtout suivie jusqu'à la fin sans faiblir, a largement fait ses preuves pour tout enfant en âge de commencer à lire.
Cette méthode, mise au pont par Suzanne Borel-Maisonny fut publiée en 1949.  Elle était au départ destinée aux enfants présentant des troubles du langage ou de l'expression. La première partie de cet ouvrage intitulée Lecture comportait un premier chapitre Comment apprendre à lire présentant la méthode à  l'attention "des enfants qui n'apprennent à lire qu'avec peine": représentation spatiale; épellation phonétique; symbolisation gestuelle; notion de nombre et de rythme; écriture. Le deuxième chapitre Rééducation des dyslexiques comportait un Atlas des gestes de la méthode de lecture. Les gestes proposés sont de quatre type : représentatifs d'une forme graphique, d'une forme articulatoire, de l'idée d'écoulement, d'une petite scène (phonomimie).


Cette méthode de lecture a ensuite été vulgarisée grâce à l'ouvrage de Clothilde Silvestre de Sacy : Bien lire et aimer lire, Paris, ESF éditeur, régulièrement réédité depuis 1963. Elle est très ludique, demande un apprentissage de la part des parents pour lesquels les signes associés aux lettres et aux sons doivent devenir de vrais automatismes, mais c'est un vrai bonheur de la pratiquer ! J'en conserve un délicieux souvenir ! A avec la paume ouverte, I en levant l'index, CH en en pinçant les joues, GN en faisant glisser son index à cheval sur son nez, OIN en faisant avec le pouce et l'index un geste de petit canard  ... vous trouverez ici tous les signes associés aux sons, et un rappel de cette méthode absolument magique pour apprendre à BIEN lire, très vite.

Marie a su lire en environ trois mois et elle est devenue immédiatement une dévoreuse de livres. Ce plaisir et ce désir de lire ne l’ont jamais quittée, et c’est sans doute grâce à cela qu’elle a acquis très précocement une culture littéraire réelle. Nous avons bien sûr repris la même méthode avec Hélène, mais avec elle, nous avons rencontré une difficulté inattendue qui nous a un peu compliqué la tâche. Ayant parlé très tôt, elle avait au moment d’entamer l’apprentissage de la lecture un vocabulaire déjà assez développé. Au début les choses se sont bien passées. Mais dès qu’elle a su se débrouiller un peu, Hélène s’est mise à anticiper le déchiffrage et lisant le début d’un mot, d’après son allure elle inventait la suite. Ayant à lire le mot DEMANDE, elle décryptait DEMA, et sans aller plus loin elle disait DEMAIN. Elle appliquait ainsi une sorte de semi-globale, de sa propre initiative, pour aller plus vite, par besoin de brûler les étapes. Et dès que les mots se compliquaient ce travers s’accentuait. Après quelques mois de batailles inutiles, nous avons carrément tout repris à zéro, imposé de nouveau le déchiffrage lettre à lettre, avec plus de rigueur qu’au début, et Michel lui a patiemment mais fermement réappris à lire. Mais elle a gardé très longtemps ce travers qui réapparaissait dès que nous lui imposions une lecture à haute voix.
Pour l’apprentissage de l’écriture, ayant acquis les pré-requis avec Montessori, nous avons utilisé de simples cahiers de lettres puis de mots, très classiques et totalement basiques, mais qui ont fait leurs preuves depuis de nombreuses générations d’écoliers. Ni l’une ni l’autre n’avait un graphisme d’une grande élégance mais dans l’ensemble cette étape nous assez peu retenus et sans doute n’y avons-nous pas accordé toute l’attention nécessaire.  Elles savaient tenir un crayon, nous avons essayé qu’elles écrivent du mieux possible, ce qui avec Hélène n’était pas très réussi, mais globalement il n’y a pas eu de catastrophe notable. Et, devenues adultes, elles ont une fort jolie graphie l'une et l'autre, surtout quand elles m'écrivent des mots d'amour !