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lundi 22 novembre 2010

L'ERE MONTESSORI -4-

L’autre argument est évidemment que cela donnerait aux instituteurs une responsabilité trop lourde, nos vieilles institutrices de campagne ou de banlieue n’avaient pas de telles angoisses qui se contentaient de faire preuve de pragmatisme, voire de réalisme. On ajoute que les parents exerceraient forcément des pressions sur le corps enseignants pour les convaincre que leur petit est un génie, comme si un tel argument était réaliste. Peut-on me dire quel genre de pression on peut exercer sur un fonctionnaire qui fait son travail avec conscience et bienveillance ? On ajoute enfin, et l’adversaire est terrassé que certains établissements plus conciliants que d’autres attireraient forcément les inscriptions et que les aprents s’efforceraient dès le primaire de déjouer la carte scolaire pour y inscrire à toute force leur rejeton supposé surdoué. On sait ce qu’il en est des stratégies de contournement de ladite carte scolaire qui donne des cauchemars à certains maires affolés de voir les enfants inscrits en masse dans leur commune ou réjouis de voir le prix des terrains monter au motif qu’ils abritent une école réputée. Ce n’est pas une telle mesure de bon sens qui aggraverait beaucoup le phénomène.

Le développement du petit enfant passant par des phases de sensibilité durant lesquelles il est naturellement plus réceptif à l’apprentissage de certains acquis, Maria Montessori mit à profit ces périodes pour aider l'enfant à découvrir par lui même des connaissances et des expériences  nouvelles en utilisant tous ces sens. Il commencera, selon ses observation, par les exercices les plus simples basés sur les activités que tous les enfants aiment. Le matériel qu'il utilisera à 3 et 4 ans l'aidera à développer sa concentration, sa coordination et les habitudes de travail nécessaires pour des exercices plus complexes qu'il accomplira naturellement à 5 et 6 ans. Le programme d'enseignement complet est résolument structuré. La pédagogie Montessori propose un parcours très précis, qui respecte les rythmes d’apprentissage de chaque enfant, et développe la confiance en soi, la motivation, la curiosité, la maîtrise de soi et les qualités d’adaptation.

samedi 20 novembre 2010

L'ERE MONTESSORI -3-

Il est regrettable que le dogmatisme administratif qui oblige tous les enfants à se couler dans un moule moyen supposé éviter d’en favoriser certains et ayant pour but de les aligner tous sur un schéma nivellateur néglige cette donnée primordiale du développement de l’enfant. Sur un laps de temps de 7 ans, une année passée pour les uns à s’ennuyer ou pour les autres à être déjà dépassés, c’est énorme et cela peut avoir des conséquences à long terme parfois désastreuses.
On l’admet volontiers, et encore de moins en moins, pour les enfants en difficulté, on brandit la menace de l’immaturité pour les autres. Il serait sans doute moins facile permettre à chaque enfant de développer ses talents quand ils apparaissent, et on ne peut inventer une école primaire à la carte qui serait sans doute ingérable. Mais reconnaître comme autrefois aux instituteurs, qui sont les premiers observateurs bienveillants de l’enfant, le droit de moduler pour certains l’obligation scolaire, et leur accorder le droit de proposer à certains parents d’accélérer le parcours de leur enfant, serait sans doute une bonne chose. J’entends déjà les protestations de tous poils, je connais bien mes collègues enseignants.
Premier argument, oui mais l’enfant qui a « sauté » une classe manquera forcément un jour de maturité et il sera alors obligé d’en redoubler une autre. C’est en effet la menace permanente qui pésera sur lui tout au long de sa "carrière scolaire", où à chaque conseil de classe les enseignants se pencheront avec commisération sur sa date de naissance et seront prêts à préconiser le redoublement à chaque petit décrochage. En fait, notre système très rigide qui inscrit l’un né en décembre en CP et garde l’autre né trois jours après début janvier en grande section est parfois aveugle. Et nombre de ces enfants jugés immatures sont en fait parfois vraiment trop jeunes, quoique dans la norme. La plupart des cas cités en exemple par le corps enseignant sont en fait ceux d’enfants de la fin de l’année qui, à un moment, ont un retard affectif sur les autres. Il est par contre très rare qu’un enfant qui a réellement sauté une classe se retrouve dans cette situation, car il pose rarement des problèmes dans la suite de sa scolarité, et quand tout marche bien, personne ne pense à regarder sa date de naissance pour se féliciter de cette initiative.

jeudi 18 novembre 2010

L'ERE MONTESSORI -2-

Puisque l'enfant détient cette capacité à apprendre en absorbant jusqu'à ce qu'il ait presque sept ans, le Dr. Montessori pensa que l' expérience de l'enfant pouvait être enrichie au sein d'une classe où il pourrait manipuler le matériel qui lui apporterait des informations éducatives de base. Grâce à un matériel adapté utilisable dès qu’il en ressent la curiosité, un jeune enfant peut apprendre à lire, écrire et calculer de la même façon naturelle qu'il apprend à marcher et parler. Le Dr. Montessori a toujours souligné que la main était le professeur principal de l'enfant. Pour apprendre il faut de la concentration, et la meilleure façon pour un  enfant de se concentrer et de fixer son attention sur quelques tâches accomplies avec ses mains. La conception du matériel est donc très codifiée pour répondre au plus près à cette utilisation fructueuse de ses mains. Les jouets inspirés de près ou de loin de la pédagogie Montessori, et tous les jeux éducatifs sont dans cette lignée même encore aujourd’hui, négligent trop souvent cet aspect pratique et leur gros défaut est souvent d’être mal adaptés à la préhension fine du jeune enfant. Le plus souvent pour des raisons d’esthétique supposée, pour séduire les parents ou pour simplement justifier leur prix, ces jeux s’ornent de fioritures parasites qui viennent contredire et compliquer les observations de bon sens du médecin italien et les rendent inutilisables. Les parents les trouvent jolis mais les enfants les négligent. Ils ne remplissent plus leur rôle.
 Une autre observation du Dr. Montessori, elle aussi confirmée par les recherches actuelles, est l'importance des périodes sensibles pour les premiers apprentissages. Ce sont des périodes de fascination intense pour apprendre une action ou un savoir faire particulier, tel que monter et descendre les marches, mettre des choses en ordre, compter et lire. C'est plus facile pour un enfant d'apprendre une chose particulière pendant la période sensible correspondante plutôt qu'à n'importe quel autre moment de sa vie. C’est ce que j’ai déjà souligné dans mon introduction en ce qui concerne la véritable passion qu’éprouvent les enfants pour la lecture vers 4 ou 5 ans, passion qui peut leur permettre d’apprendre à lire en un mois si on y répond en temps utile. Par contre, si on rate le rendez-vous il est beaucoup plus difficile ensuite de faire cet apprentissage.


mardi 16 novembre 2010

L'ERE MONTESSORI -1-


Née en 1870 en Italie, Maria Montessori,  était docteur en médecine. Elle se consacra à l'éducation des enfants défavorisés et "retardés mentaux", avant d'étendre sa pédagogie aux autres enfants. Elle fonda sa propre école à Rome en 1907. Maria Montessori pensait que chacun est le seul vrai moteur de son éducation. L'individu doit agir par lui-même ou il ne le fera jamais. C’est la curiosité naturelle et l’amour de la connaissance qui incite chacun à apprendre longtemps après les heures et les années qu'il a passées dans une classe. Le Dr. Montessori pressentit que le but d'une éducation de la prime enfance était donc permettre à l’enfant de cultiver et de développer son propre désir d'apprendre, se forgeant ainsi pour l’avenir la motivation qui le gardera toujours en éveil. La phrase clé de la pédagogie Montessori est "Aide-moi à faire seul".  Cette pédagogie est fondée sur la volonté d'aider l'enfant à se construire et à développer son autonomie à partir de  l'observation de ses rythmes de développement.

Pour ce faire, l’adulte s’appuie sur une aptitude étonnante de l’enfant que le Dr. Montessori appelle son "esprit absorbant". Dans ses livres, elle compare fréquemment le jeune esprit à une éponge. Il absorbe complètement et efficacement les informations provenant de son environnement. Le procédé est particulièrement évident dans la façon dont un jeune enfant de deux ans apprend sa langue maternelle, sans instruction formelle et sans effort, contrairement à la concentration fastidieuse dont doit faire preuve un adulte pour maîtriser une langue étrangère. Acquérir l'information de cette façon est pour lui une activité naturelle et agréable, au service de laquelle il utilise tous ses sens.
 
                 Dans son livre "L'esprit absorbant" le Dr. Montessori écrit, "La période la plus importante de la vie se situe entre la naissance et six ans et non pas durant les études universitaires. Ainsi, c'est le moment où le plus grand instrument de l'homme, l'intelligence, se forme. Non seulement son intelligence; mais toutes ses capacités psychiques... A aucun autre âge, l'enfant n'a de plus grand besoin d'une aide intelligente, et n'importe quel obstacle qui empêche son travail créatif diminuera la chance qu'il a d'atteindre la perfection". C’est maintenant une évidence psychologique de base d’affirmer que « Tout se joue avant 6 ans », comme l’ont proclamé tant de pédiatres et de psychologues après le docteur Dodson. Tout, y compris la stimulation intellectuelle, puisque non content de constater, avec de nombreux psychologues comme  le Dr. Benjamin S. Bloom de l'Université de Chicago, qui affirme, études à l’appui "Stability and Change in Human Characteristics" que "De la conception jusqu'à l'âge de 4 ans, l'individu développe 50% de son intelligence mature, de l'âge de 4 ans jusqu'à 8 ans il en développe encore 30%… », l’auteur démontre que ce sont les années primordiales de la formation de l’enfant qui « apprend à apprendre ». Mais le docteur Montessori était un précurseur en la matière, et son mérite a surtout été d’offrir aux adultes un programme cohérent et simple de mise en valeur de ces capacités exceptionnelles du tout petit.

dimanche 14 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -10-

Ce refus de nous compliquer la vie sous prétexte que nous avions des enfants, moins par pur égoïsme que par volonté de ne pas leur en vouloir ensuite des sacrifices supposés consentis pour les faire grandir, perdura toujours dans nos organisations familiales. Elles suivaient, toujours ravies, jamais rebutées, nos escapades diverses sans que cela leur parut plus difficile que d’aller à la plage faire des châteaux de sable. Bien sûr elles ont été un peu frustrées de châteaux de sables, cependant nous avons essayé d’adapter nos centres d’intérêt à ce qui pouvait leur plaire. Mais nous n’en sommes pas là, et ces adaptations vont venir ensuite comme soutien à la démarche pédagogique globale que nous entreprendrons avec elles.

C’est en 1986 qu’Hélène s’annonça, et dire que ma grossesse fut idyllique serait faux. Marie prit fort mal la chose et commença à me labourer avec la plus parfaite cruauté de coups de pieds et éprouva soudain un besoin d’affection inhabituel. Il fallait sans cesse la prendre dans les bras, ce que je faisais d’autant plus volontiers que j’imaginais sans peine quelle serait sa déconvenue lorsque la sœur annoncée se manifesterait à son tour. C’est durant cette attente, poussée par la volonté de montrer à Marie que j'avais malgré ma fatigue très envie de m'occuper d'elle que j’entrepris la suite de ma démarche éducative. Je puisais cette fois-ci mes informations dans une littérature sans doute moins connue, sauf en Italie (les Italiens lui ont même consacré un billet de 1000 lires), mais aussi moins contestée. C’était le véritable début de notre aventure, ce qui précède n’étant finalement qu’une entrée en matière vraiment commune à tous les parents. Notre nouveau maître à penser était le docteur Maria Montessori.

vendredi 12 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -9-

En avril 1985, Marie avait alors trois mois, nous décidâmes qu’il n’était nullement question de renoncer à nos plaisirs antérieurs. Nous avions une passion pour l’Italie, qu’à cela ne tienne, nous irions en Italie. C’était le début d’une longue expérience d’adaptation aux circonstances. Et aussi de renoncements d’ailleurs mais ce qui compte c’est qu’ils soient consentis, et non subis. Nous optâmes pour Florence. Par excès de zèle nous décidâmes que l’hôtel était trop compliqué, donc nous louâmes un appartement. Ce ne fut pas une idée de génie car celui que nous avions réservé était dans un état de saleté assez repoussante et la corvée de nettoyage qui nous a attendait à l’arrivée n’est pas le meilleur souvenir du séjour. Nous avions aussi pensé que nous aurions besoin d’aide, et nous emmenâmes la marraine de Marie pour nous seconder. Mais finalement Brigitte était très jeune, et nous avons plutôt eu deux filles qu’une seule, ce qui n’était pas plus facile. Le séjour se déroula sans encombre, tellement qu’en novembre nous sommes partis à Sienne seuls, et avons logé à l’hôtel. Nous visitions musées et monuments Marie lovée dans une poche ventrale. Michel se souvient avec émotion du sacristain de l’église San Lorenzo à Florence, qui le poursuivait de son admiration pour le bébé ainsi promené. Il ne pouvait faire un pas sans que l’homme, ravi, ne le suive, s’extasiant sur la face hilare de Marie. Les italiens ne font plus d’enfant mais gardent une nostalgie récurrente des émerveillements de la petite enfance, et chez eux le moindre bimbo est choyé, admiré, entouré, fêté sans retenue. Nous avions dans une poche un biberon plein d’eau, dans l’autre un autre biberon avec la dose de poudre, et dès que bébé manifestait une petite faim, nous versions l’un dans l’autre, secouions énergiquement, et nous installions sur un banc d’église, ou une banquette de musée pour calmer les crampes d’estomac. Le changement de couches se faisait dans les lieux les plus pittoresques, le plus frappant étant resté celui que nous effectuâmes sans coup férir au milieu de la conque doucement arrondie de la place de Sienne. Cela fut fait avec un tel naturel qu’aucun touriste présent ne le remarqua.

La même année, nous avions renoncé l’été à prendre des vacances itinérantes, pensant que la chaleur fatiguerait bébé. Nous sommes allés passer une semaine chez mes parents qui avaient alors une villa à Arcachon. Nous pensions naïvement qu’ils garderaient Marie pendant que nous pourrions nous livrer à des itinéraires rayonnant sur les pas de Mauriac. Ce fut une occasion délicieuse de relire l’œuvre complète de l’écrivain bordelais, mais quand il s’est agi de confier Marie à ses grands-parents, nous nous heurtâmes à des réticences pour nous incompréhensibles. Nous avons compris depuis qu’ils avaient peur de la responsabilité et auraient souhaiter nous voir un peu plus casaniers. Nous sommes donc partis à la recherche des fermes landaises abritant les héros de Thérèse Desqueyroux ou ceux du Noeud de vipères. Avec un couffin sous le bras. Il me souvient d’un soir où, au retour, nous fîmes halte dans une auberge landaise, la chair était copieuse et le repas à rallonge. Nous avions décidé de laisser Marie dans la voiture où elle dormait comme une bienheureuse. Nous étions à deux pas, inutile de l'imerger dans l'ambiance bruyante et enfumée (on fumait encore à cette époque dans les restaurants) de l''auberge. Quand tout à coup un bruit insolite attira notre attention : dehors, s’attroupait autour de notre véhicule un vrai rassemblement.  Marie réveillée, faisait des mines à des badauds hilares entourant la voiture. Nous avons bien failli ce soir-là passer pour des parents indignes. Et il est certain que nous aurions, actuellement, de graves ennuis avec la police pour afficher une telle légèreté !

mercredi 10 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -8-

Pourquoi le Docteur Spock a-t-il été et est-il encore si controversé ? Au début ses méthodes s’opposaient aux méthodes rigides et sévères des générations précédentes en matière d’éducation des enfants. L’instinct parental était source de méfiance et seule l’approche stricte et scientifique des pédiatres avait droit de cité. L’alternative proposée par Spock était une approche plus centrée sur l’enfant, et proposait aux parents de faire confiance à leur raison pour déterminer seuls ce qui était bon pour leur enfant. Elle toucha la corde sensible de nombreux parents qui commençaient à mettre en question les pratiques établies.  Il n’est pas sûr que Spock ait initié les changements dans l’attitude du grand public vis-à-vis des enfants et de leur éducation, mais le moment précis où il a produit un manuel sur l’éducation des enfants (qui préconisait une révolution silencieuse dans ses pratiques) a certainement ajouté de l’huile sur le feu. Qu’il s’agisse des nouvelles pratiques familiales, des nouveaux rythmes imposés par la vie moderne, de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, le détachement des croyances et habitudes établies, dans les années qui suivirent la Seconde Guerre Mondiale, un changement évident dans la façon d’élever les enfants s’imposa d’autant plus qu’un baby-boom soutenu démarrait. Son premier ouvrage : « Livre du bon sens en matière de soins aux nourrissons et aux enfants » a été très controversé. Publié en 1946, ce livre se démarque complètement des habitudes et de la mentalité très rigide de l’époque. Cela n’empécha pas cet ouvrage de se vendre à plus de trente millions d’exemplaires. Spock part du constat que les jeunes connaissent fort peu de choses du métier de parents. Cette ignorance entraîne une perte de confiance en soi, des angoisses, des erreurs éducatives et des malentendus qui faussent rapidement les rapports enfants-parents.  Il réhabilite l'affection, la tolérance, le respect de la personnalité, ce qui le fera accuser dans les années 1970 d'inciter les familles à l'absolue permissivité et à la démission. Sensible à ces polémiques, Spock a évoqué dans ses dernières publications les limites nécessaires à opposer aux désirs démesurés du jeune enfant.

  Est-ce grâce aux conseils de Spock, ou bien avons-nous eu des enfants particulièrement gentilles, mais nous gardons de cette petite enfance un souvenir lumineux de vie simple et facile. Pas le moindre souvenir de nuit blanche, de pleurs intempestifs, de caprice, de maladie infantile. Parents novices nous choisîmes un pédiatre qui nous a laissé le souvenir confus d’une vague incompétence. Il avait l’air nettement plus dépassé que nous par les problèmes mineurs que nous lui soumettions, et les solutions qu’il proposait étaient tellement irréalistes que nous les abandonnions, passé le seuil de son cabinet. Quant à lui, nous arrêtâmes définitivement d’aller lui rendre visite le jour où, ayant diagnostiqué chez Marie un problème de hanches, il préconisa de l’enfermer dans une sorte de carcan impressionnant pour l’immobiliser, alors qu’elle commençait tout juste à marcher. Nous fîmes faire une radio de contrôle des hanches et il apparu que la première avait été prise de travers, et que l’enfant ne présentait pas le moindre problème. Portés par cet excès d’optimisme, nous fîmes cependant une erreur. Lorsqu’il diagnostiqua qu’elle avait les pieds plats et proposa des semelles orthopédiques, nous reculâmes encore devant le côté barbare du procédé. Nous décidâmes que le fait de marcher pieds nus devrait suffire à lui remuscler la plante des pieds. Il faut être honnête Marie a gardé les pieds plats, sans gêne pour la vie courante, mais cela a constitué un véritable handicap lorsqu’à la danse il s’est agi de faire les pointes. Elle a alors abandonné la danse classique pour la danse moderne moins exigeante, car elle devait déployer des efforts surhumains pour un résultat peu convaincant. Mais n’ayant jamais eu l’ambition de faire carrière dans un ballet, cela resta pour elle un inconvénient mineur. Elle a aussi conservé l’habitude d’aller nus-pieds, mais c’est vraiment un moindre mal. Exit donc le pédiatre, et nous eûmes la chance d’ignorer pendant de longues années l’existence du corps médical, nos filles ayant toujours fait preuve d’une santé sans faille.
Petite enfance très facile donc, et j’avoue que l’exposé des complexités provoquées par la présence de bébés dans une maison amie me laisse toujours étonnée. Tout est tellement aisé et naturel, surtout avec le premier enfant. Les choses se compliquent sans doute un peu lorsqu’on a deux enfants en bas âge, mais cela reste très simple. Il me semble a posteriori que l’écoute des besoins du bébé, quelques règles simples d’organisation, beaucoup de pragmatisme, et le tour est joué.

lundi 8 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -7-

Pour les rythmes de vie, nous les avons toujours couchées avec fermeté le soir, et si elles ont tenté pendant deux ou trois jours de protester contre la décision que nous leur imposions, elles se sont très rapidement habituées à un rythme régulier de sommeil, dormant 12 heures d’affilée sans le moindre problème.

L’autre principe du docteur Spock était de dire aux parents « Ayez confiance en vous ». Nous avions bien besoin d’être rassurés étant comme je l’ai dit totalement néophytes. 
Spock nous ayant fait valoir qu’armés de bon sens et de bonnes intentions, nous ne pouvions rien faire de mal, ou du moins ne faire que de petites erreurs dont nous étions parfaitement capables de tirer leçon, nous abordâmes notre tache de façon plus décontractée, plus pragmatique et sans doute plus efficace que si nous avions été crispés sur la peur de nous tromper. Le corollaire de ce conseil de confiance était que nous, parents, nous avions des devoirs certes à l’égard du bébé, mais aussi des droits, et qu’il n’était nullement question d’y renoncer, pour le bien-être de tous. Pas question de transformer l’enfant en tyran, les termes du contrat étaient clairs. Nous voulions faire le maximum pour notre bébé, mais nous avions besoin d’une frange protégée de vie personnelle et intime, et nous avions le droit, voire le devoir d’en imposer le respect. C’était nécessaire à notre équilibre à tous. Nous avons, sans doute encore un effet de notre trentaine, défendu sans aucun complexe ces droits à l’intimité, au repos, à des plages réservées d’adultes, plages durant lesquelles les filles vivaient leur vie d’enfants sans interférer avec nous et sans nous imposer leurs désirs. Ainsi par exemple, nous recevions nos amis sans elles, elles venaient dire bonsoir puis allaient se coucher sans protester. Les amis nous trouvaient durs et sans cœur, mais revenaient volontiers nous voir car la soirée ne se passait pas, comme nous l’avions vécu sans plaisir, autour des caprices de l’enfant, à ne parler que de lui, à ne pas pouvoir tenir une conversation suivie, brisant l’amitié au profit du bien-être supposé de l’enfant, sans aucun profit pour personne. Que d’amis avons-nous renoncé à aller voir car leur rendre visite était devenu un calvaire, leurs enfants s’interposant, s’imposant, et empêchant tout échange. Les filles se souviennent du petit pincement qu’elles avaient lorsqu’elles devaient aller se coucher, mais disent avoir apprécier encore plus le jour où nous les avons autorisées à rester avec nous : ce fut alors pour elles un vrai plaisir de rester avec « les grands » et de partager nos soirées. Je pourrais citer de nombreux autres exemples de défense de notre vie d’adultes, le droit de parler sans qu’elles nous interrompent, et sans qu’elles se mêlent de notre conversation, le droit de décider ce qui nous  semblait être de notre ressort et de notre compétence, sans qu’elles puissent le contester, le refus de jouer avec elles quand nous avions un travail à faire… En gros nous avions des pans de vie réservés, nécessaires et indispensables pour avoir envie de revenir près d’elles et de nous consacrer à leur épanouissement mais nous avions bien conscience que si nous avions renoncé à tout, nous leur en aurions voulu assez rapidement et qu’inconsciemment nous aurions eu envie de nous libérer.

samedi 6 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -6-

Les deux ou trois idées-force que nous avons cru découvrir à la lecture du livre nous servirent de repaire pour adapter notre comportement aux événements. Tout d’abord l’enfant, le bébé surtout, sait mieux que le parent le mieux intentionné du monde ce qu’il lui faut, ce dont il a besoin, et il le manifeste toujours très nettement. Le message n’est pas forcément très clair, mais les parents étant par définition inquiets de son bien-être et soucieux de bien faire, ils découvrent rapidement la signification des manifestations de douleur, de malaise ou de joie du bébé. C’est ainsi que nous avons dès les premières semaines évité de réveiller Marie en pleine nuit pour lui faire avaler un biberon qu’elle ne réclamait pas. Le résultat est qu’elle fit des nuits entières très rapidement, nous n’étions pas fatigués et ravis de la retrouver le lendemain matin pour le premier bib. Certes notre entourage s’émut de cette indifférence, nous fûmes taxés de dureté de cœur, d’indifférence ou de cruauté, déjà !… mais, sans doute est-ce là le bénéfice de l’âge, ces accusations ne nous atteignirent pas, puisque Marie allait bien, ne se réveillait pas pour réclamer, nous avions parfaitement bonne conscience.
C’était pour nous un entraînement moral à ce que fut la suite de notre aventure : la confrontation au regard critique de notre entourage, choqué, outré par notre attitude, prêt à nous vilipender et à nous bourreler de remords. Mais je serai amenée à reparler de cet aspect particulièrement difficile à gérer de l’éducation de nos filles. Pour l’instant, ce sont des bébés qui, nous l’avons constaté, savent ce dont ils ont besoin, et se débrouillent pour l’obtenir. C’est ainsi que suivant leur rythme, d’autant plus aisément que nous n’avions absolument aucune idée préconçue en la matière, vu que nous étions totalement ignares, nous n’avons connu aucune problème de nourriture, aucun problème de sommeil, ni d’agitation incontrôlée. Elles nous ont appris notre métier de parents, et nous n’avons eu qu’à les suivre.

D’aucuns se sont, bien évidemment, insurgés contre ce qu’il estimaient être une permissivité extrême, source selon eux de tous les dangers possibles en matière d’éducation.  Comme si le bébé avait déjà la volonté d’user de la bonne volonté de ses parents, et qu’il ait dès les premières semaines la rouerie d’en abuser. Il pleure quand il a faim, il suffit alors de lui donner son biberon pour le calmer et le rendre heureux. Pourquoi se compliquer la vie, lui faire attendre des heures fixes, lui imposer la têtée quand il n’en veut pas et l’obliger à terminer le biberon quand il renâcle. Pour avoir pratiqué, sans doute avec une belle inconscience, les horaires décidés par nos filles, je puis vous garantir qu’elles trouvèrent toutes seules le rythme qui leur convenait, burent les quantités nécessaires à leur croissance harmonieuse, et que les repas ne furent jamais entre nous à cette époque-là source de conflits ni d’inquiétude. Certes, nous avions quelques idées en la matière, et ainsi nous avons évité de rajouter le moindre grain de sucre dans leur lait pour les inciter à finir les biberons, persuadés que si nous commencions à leur donner le goût du sucre, nous déséquilibrerions leur appétit. Nous leur avons donné beaucoup de légumes dès le début, et avons pris la peine de les assaisonner de façon agréable pour leur plaisir gustatif. Il semble qu’elles ont acquis des goûts éclectiques qui existent toujours, aimant à peu près tout, n’ayant pas de passion excessive pour le sucre, les frites ou le coca et appréciant toutes sortes de légumes. Les déséquilibres en matière de nourriture sont apparus beaucoup plus tardivement, et nous avons alors mesuré avec horreur combien ce domaine est fragile.

jeudi 4 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -5-

Le premier de nos maîtres fut en la matière le docteur Spock. Le livre du plus célèbre et le plus controversé des grands pédiatres de ce siècle fut notre livre de chevet dans les premiers mois. Benjamin Spock, pris dans le courant de changements qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, est l’auteur du livre intitulé The Common Sense Book of Baby and Child Care (Le livre du bon sens pour le soin du bébé et de l’enfant), plus tard simplement appelé le Dr. Spock’s Baby and Child Care (Le soin du bébé et de l’enfant selon le Dr. Spock) Peu de livres ont un impact aussi important sur l’éducation des enfants, mais quand nous l’avons découvert il n’était plus révolutionnaire, contesté par les uns pour son laxisme, par les autres comme n’ayant pas su aller assez loin dans la libération de l’enfant de la tutelle autoritaire de ses parents. Nous, nous l’avons lu avec naïveté, sans le moindre a priori idéologique : nous n’étions plus tous jeunes, nous n’avions cotoyé ni l’un ni l’autre de petits enfants jusque là, et en un mot ne savions pas trop dans quel sens attraper le bébé qui trônait dans son berceau tout neuf.
Nous aurions espéré, dans le plus pur style classique quelque soutien et quelques conseils de nos parents, mais, outre le fait que nous les aurions sans doute mal reçus, ces derniers étaient sinon incompétents, du moins pas du tout intéressés par les problèmes pratiques que posent les bébés. A croire qu’ils n’en avaient pas eu eux-mêmes (si peu, en fait, Michel est fils unique, et  moi aussi, enfin presque), en tout cas, cela ne les avait pas marqués. Il nous fallait donc improviser, ce qu’on fait sans doute plus facilement à 20 ans qu’à 30 et nous étions très soucieux de bien faire. C’est un peu par hasard que le livre que j’achetai fut celui du Docteur Spock, mais je dois avouer que, pris au premier degré, sans chercher à leur donner une valeur philosophique ou à y lire un fait de société, ses conseils nous convinrent parfaitement. Ils nous semblaient pétris de bon sens, et nous les appliquâmes joyeusement.

J’ai depuis donné mon précieux livre, tout déchiqueté, à mon ami le plus cher, quand il a eu lui-même des enfants. Je ne sais trop l’usage qu’il en fit, mais il me semble, au vu des difficultés dont il me parle qu’il n’en a pas eu la même lecture que nous, et qu’il n’a pas appliqué les préceptes de Spock dans le même sens que nous. Pas étonnant dans ces conditions que les avis soient partagés sur ce pédiatre, chacun interprétant sans doute ses préceptes à sa façon. L’auteur est tenu pour responsable en cas d’échec, mais finalement ce sont sans doute les parents qui se compliquent la vie. C’est pourquoi, plutôt que de retrouver l’ouvrage, et d’y rechercher la lettre du texte, je vais dans un premier temps essayer d’en reconstituer l’esprit tel que nous l’avons retenu. Il sera toujours temps ensuite de faire un retour sur réflexion, et de comprendre en quoi le docteur Spock est l’objet de tant de contestations et de remises en cause.

mardi 2 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -4-

Pendant ce temps, Michel continuait à soigner sans état d’âme sa patientèle locale, déçu de la tournure que prenait le développement de son cabinet, très rural, et peu sujet à évoluer. Le 10 décembre 1984, alors que nous attendions Marie pour la fin du mois de janvier suivant, nous étions à Bordeaux pour quelques achats « de Noël ». Je feuilletai des livres dans la grande librairie locale, objet de nos visites nécessaires à chaque déplacement, histoire de se donner l’impression que nous étions encore capables de penser ! Et de façon aussi inattendue que gênante, là, devant le rayon des essais et autres mémoires, la naissance s'annonça de façon irréfutable. La légende familiale s’est depuis construite autour de cet événement mineur. Marie, fortement attirée par le goût, l’odeur ou les flux positifs qui émanaient des livres qui m’environnaient, avait décidé que l’attente suffisait, et annonçait sa venue au monde avec presque deux mois d’avance. C’est très amusant de composer a posteriori des légendes dorées, et de faire ainsi l’hagiographie des humains, en fonctions de ce qu’on sait, plus tard, qu’ils vont devenir ! La tradition veut, depuis, que Marie ait manifesté ce jour-là son caractère littéraire. Le lendemain Michel, émerveillé, m’annonça sa décision de se faire beau pour accueillir sa fille, et se  mit effectivement sur son trente et un pour son arrivée dans ma chambre (elle avait passé quelques heures en couveuse auparavant).

Difficile d’expliquer ce qui me mit alors en mouvement : l’ennui provoqué par un séjour forcé autour du berceau, la vocation pédagogique la plus pure, profondément ancrée dans mon inconscient, un amour maternel forcené ou au contraire la crainte de ne pas trop savoir m’y prendre et la volonté de bien faire ? Toujours est-il que je me mis dès lors au travail, et me plongeai dans la littérature consacrée à l’éducation des enfants avec enthousiasme. Marie m’a depuis reproché cette manie de toujours chercher la solution aux problèmes d’éducation que nous rencontrions dans les livres, j’y reviendrai. Il me revient à cet égard une remarque acerbe de ma propre mère qui admettait mal que les parents aient, selon elle, toujours tort… « C’est la seule chose qu’on ne nous ait jamais apprise, de devenir parents. Alors, on fait ce qu’on peut, on improvise ! ».