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vendredi 12 novembre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -9-

En avril 1985, Marie avait alors trois mois, nous décidâmes qu’il n’était nullement question de renoncer à nos plaisirs antérieurs. Nous avions une passion pour l’Italie, qu’à cela ne tienne, nous irions en Italie. C’était le début d’une longue expérience d’adaptation aux circonstances. Et aussi de renoncements d’ailleurs mais ce qui compte c’est qu’ils soient consentis, et non subis. Nous optâmes pour Florence. Par excès de zèle nous décidâmes que l’hôtel était trop compliqué, donc nous louâmes un appartement. Ce ne fut pas une idée de génie car celui que nous avions réservé était dans un état de saleté assez repoussante et la corvée de nettoyage qui nous a attendait à l’arrivée n’est pas le meilleur souvenir du séjour. Nous avions aussi pensé que nous aurions besoin d’aide, et nous emmenâmes la marraine de Marie pour nous seconder. Mais finalement Brigitte était très jeune, et nous avons plutôt eu deux filles qu’une seule, ce qui n’était pas plus facile. Le séjour se déroula sans encombre, tellement qu’en novembre nous sommes partis à Sienne seuls, et avons logé à l’hôtel. Nous visitions musées et monuments Marie lovée dans une poche ventrale. Michel se souvient avec émotion du sacristain de l’église San Lorenzo à Florence, qui le poursuivait de son admiration pour le bébé ainsi promené. Il ne pouvait faire un pas sans que l’homme, ravi, ne le suive, s’extasiant sur la face hilare de Marie. Les italiens ne font plus d’enfant mais gardent une nostalgie récurrente des émerveillements de la petite enfance, et chez eux le moindre bimbo est choyé, admiré, entouré, fêté sans retenue. Nous avions dans une poche un biberon plein d’eau, dans l’autre un autre biberon avec la dose de poudre, et dès que bébé manifestait une petite faim, nous versions l’un dans l’autre, secouions énergiquement, et nous installions sur un banc d’église, ou une banquette de musée pour calmer les crampes d’estomac. Le changement de couches se faisait dans les lieux les plus pittoresques, le plus frappant étant resté celui que nous effectuâmes sans coup férir au milieu de la conque doucement arrondie de la place de Sienne. Cela fut fait avec un tel naturel qu’aucun touriste présent ne le remarqua.

La même année, nous avions renoncé l’été à prendre des vacances itinérantes, pensant que la chaleur fatiguerait bébé. Nous sommes allés passer une semaine chez mes parents qui avaient alors une villa à Arcachon. Nous pensions naïvement qu’ils garderaient Marie pendant que nous pourrions nous livrer à des itinéraires rayonnant sur les pas de Mauriac. Ce fut une occasion délicieuse de relire l’œuvre complète de l’écrivain bordelais, mais quand il s’est agi de confier Marie à ses grands-parents, nous nous heurtâmes à des réticences pour nous incompréhensibles. Nous avons compris depuis qu’ils avaient peur de la responsabilité et auraient souhaiter nous voir un peu plus casaniers. Nous sommes donc partis à la recherche des fermes landaises abritant les héros de Thérèse Desqueyroux ou ceux du Noeud de vipères. Avec un couffin sous le bras. Il me souvient d’un soir où, au retour, nous fîmes halte dans une auberge landaise, la chair était copieuse et le repas à rallonge. Nous avions décidé de laisser Marie dans la voiture où elle dormait comme une bienheureuse. Nous étions à deux pas, inutile de l'imerger dans l'ambiance bruyante et enfumée (on fumait encore à cette époque dans les restaurants) de l''auberge. Quand tout à coup un bruit insolite attira notre attention : dehors, s’attroupait autour de notre véhicule un vrai rassemblement.  Marie réveillée, faisait des mines à des badauds hilares entourant la voiture. Nous avons bien failli ce soir-là passer pour des parents indignes. Et il est certain que nous aurions, actuellement, de graves ennuis avec la police pour afficher une telle légèreté !

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