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vendredi 29 juin 2012

COMMENT TOUT A VRAIMENT COMMENCE -5-


La loi a donc mis en place un système plus efficace de contrôle et de suivi des enfants dans les familles. Après avoir réaffirmé le droit de l’enfant à l’instruction, entendu dans son sens le plus large, c’est à dire tant au niveau de l’acquisition des connaissances que du développement harmonieux de la personnalité, elle impose aux mairies une enquête vérifiant les raisons alléguées pour garder l’enfant, l’existence d’une véritable instruction et enfin les conditions de vie de la famille. Par ailleurs l’inspection d’Académie doit, au moins une fois par an, faire vérifier que l’instruction dispensée à l’enfant est bien conforme aux contenus des connaissances fixés par décret. Le texte fixe enfin un certain nombre de sanctions en cas d’infraction, dont une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 50 000 francs. Pas de doute, à partir de 1998, cette "menace" nous fut régulièrement répétée par les courriers de début d’année, accusant réception de notre déclaration d’instruction dans la famille. Mais de contrôle point !! par contre, nous eûmes à subir la mauvaise volonté de l’inspecteur d’académie, dans des circonstances plutôt nuisibles à notre fille, ce qui est paradoxal. Mais j’y reviendrai en temps utile.
Pour le moment nous ne sommes qu’en 1990, et seule la loi Ferry, appuyée par la loi Debré de 1959 est applicable. Il suffit de prévenir l’académie de son intention. Je pris donc ma plus belle plume pour aviser l’inspecteur d’Académie que nous assurerions, ainsi que la loi nous le permettait,  l’instruction de notre fille à la maison. Je reçus un accusé de réception de ma lettre, sans autre commentaire, sans menace, mais tellement laconique que j’en suis restée désorientée. « J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre du 8 juillet 1990, par laquelle vous avez déclaré assurer vous-même l’instruction de votre fille Marie née le 11 décembre .... Vous voudrez bien, conformément à la loi, informer le Maire de votre commune de votre décision. ».
Comment ? On pouvait aussi facilement que cela contourner l’école, et les services académiques ne s’en émouvaient pas plus que cela, laissant des parents se débrouiller sans autre forme de conseil, de directives ou de simples indications sur le contenu de l’instruction à dispenser. L’année suivante, il n’y eu même pas de réponse. En 1992, l’accusé de réception ne mentionnait qu’Hélène que j’avais ajoutée car elle atteignait à son tour sa 6ème année, et je me suis demandé si j’avais omis de noter Marie. En 1993, le ton était plus personnel, mais très laconique « Par lettre du 9 septembre 1993, vous m’informez de votre désir de poursuivre l’instruction de vos filles Marie et Hélène, ainsi que vous le faites depuis plusieurs années. Je prends note de votre décision pour l’année scolaire 1993-1994 ». Rien les années suivantes, il fallut attendre 1996 pour une lettre inhabituelle, et ne répondant pas vraiment à mon courrier «En réponse à votre demande de scolarisation à domicile de vos enfants Marie et Hélène, je vous informe que je vous autorise à procéder à leur instruction ». Je ne demandais en aucun cas l’autorisation de le faire, la loi m’en laissant clairement le choix. Le nouvel inspecteur d’académie faisait du zèle. Les années suivantes, la formule se fit plus neutre, donc plus proche de la légalité : « J’atteste que l’enfant Marie ..., née le ../../....  a fait l’objet d’une déclaration d’instruction dans la famille pour l’année scolaire.. ». Il devint par contre franchement désagréable en 2001, sans doute dans le souci d’appliquer au mieux les nouvelles dispositions de la loi de 1998, à moins qu’il n’ait choisi de montrer sa désapprobation personnelle et  nous avons alors eu avec lui des rapports assez tendus. J’en parlerai plus loin.
C’est ainsi que, munis de notre viatique, nous pouvions commencer l’aventure, dont nous ne savions pas du tout combien de temps elle allait durer. La décision avait été quelque peu conjoncturelle, et ne répondait nullement à une utopie. J’entends par là qu’il n’a jamais été dans notre idée de nous poser en adversaires du système scolaire, ou de le refuser a priori. Il nous a semblé, à un moment donné, préférable de continuer à nous occuper de Marie jusqu’à ce qu’elle puisse intégrer l’école de façon plus satisfaisante pour elle. Nous n’avons pas vraiment réalisé alors que l’écart qui nous posait problème au moment de l’inscription au CP ne ferait que se creuser et que d’année en année le même problème se reposerait, de plus en plus aigu, et qu’il deviendrait de plus en plus difficile de le résoudre autrement qu’en continuant l’expérience. Durant le primaire nous étions assez confiants, mais l’entrée en 6ème nous semblait une fin probable. 

ANNEXE : article de Libération de 2008 sur le sujet des parents qui choisissent l'instruction à la maison :
 «Non-sco» : la classe à part
17 septembre 2008 à 07:00
Education. Ces parents qui instruisent eux-mêmes leurs enfants.
Par MARIE-JOËLLE GROS
Leur «rentrée», c’est un pique-nique sur les pelouses du Parc floral, derrière le château de Vincennes, aux portes de Paris. Pour ces parents qui papotent dans l’herbe, c’est une journée presque ordinaire, sans stress. Nous sommes pourtant un lundi. Mais ils ne travaillent pas. Et leurs enfants jouent dans le parc. Sur des tables de camping, des tee-shirts frappés d’un slogan : «L’école n’est pas obligatoire, l’instruction en famille est légale.» Ce sont des militants. Des «non-sco» qui défendent le droit de ne pas envoyer leurs enfants à l’école et de les instruire eux-mêmes (lire ci-dessous).
En France, 3 000 enfants vivraient ainsi, dispensés d’école par leurs parents. Sur 12 millions d’élèves, c’est très peu, voire marginal. «On nous regarde de moins en moins comme des dingues, remarque pourtant Ghislain, père de quatre enfants. L’opinion a conscience que l’école crée de l’échec. Tout le monde connaît des enfants qui souffrent terriblement en classe. Le système scolaire fait à l’évidence des dégâts.» Eux plébiscitent les pédagogies alternatives. Mais les écoles qui les appliquent sont rares et souvent éloignées de leur domicile. Alors, quitte à préférer la différence, ils vont jusqu’au bout. Mais ils se défendent de «faire la classe». Pas de cours, pas d’interros écrites. «Plutôt que de bourrer le crâne des enfants, on leur laisse prendre leur temps. Juste en répondant à leurs questions, on voit bien qu’ils sont déjà en train d’apprendre», explique une mère. Evidemment, cela occupe les journées des parents. Ils ont fait le choix de vivre sur un seul salaire ou de travailler à mi-temps. «On n’a pas fait des enfants pour les confier toute la journée à la garderie», soutient une autre, qui emmène toutes les semaines ses enfants au musée, fait de la géographie dans la voiture, de l’anglais en regardant la télé, des maths en cuisinant…
Culture générale. Les parents les plus âgés paraissent archiconfiants. Comme s’ils ne craignaient pas de défier l’ordre scolaire. D’ailleurs, beaucoup sont d’anciens profs qui ont préféré prendre la tangente. Et soustraire leurs enfants à un système qu’ils connaissent trop bien. Ils dénoncent l’obsession française de la note et la «compétition». Ghislain : «La finalité de l’enseignement, c’est de distribuer des diplômes à âges fixes.» Eux misent sur la culture générale plutôt que de saucissonner les savoirs. Quand on objecte que tous les parents ne s’en sentent pas forcément capables, ils bottent en touche : «C’est l’école qui est élitiste en reproduisant les inégalités sociales.» Ils savent, cependant, que leurs enfants élevés à l’écart du moule scolaire auront du mal à composer, une fois adultes, avec la violence du monde du travail. «Ils seront sans doute leur propre patron», avance une mère. Sur les documents qu’ils distribuent, Maud Fontenoy ou Gilles de Gennes font part de leur parcours hors école. Preuve, si besoin était, qu’un épanouissement personnel encourage un grand destin.
Depuis quelques années, ce phénomène de parents-précepteurs semble connaître un renouveau. Ils sont rejoints, via Internet, par des jeunes qui parlent «nouvelle parentalité». Et qui prônent le «maternage», soit une relation plutôt fusionnelle avec les enfants, au moins sur les premières années de la vie. Pas de crèche, pas de maternelle, ils défendent l’allaitement longue durée et portent leurs bébés serrés sur le corps. Cet afflux de «néo-babas» fondus de bio ne passe pas inaperçu. Mais leur discours sur l’école semble moins convaincu : «J’ai fait le choix de rester avec mes jeunes enfants, explique une mère, mais je ne renonce pas définitivement à l’école pour autant. Je me poserai la question quand ils auront 6 ans et l’âge de rentrer en primaire.»
«Troupeaux». Véronique, 45 ans, ne manque pas d’humour. Elle se félicite d’offrir à ses enfants un parcours «hétérodoxe». Elle a retiré ses jumelles de l’école en CE2 : elles vomissaient avant d’aller en classe ou se tapaient la tête contre les murs. Ses filles sont assises à côté d’elle dans l’herbe. 16 ans et musiciennes toutes les deux. L’une raconte que parmi leurs copains du conservatoire, certains les envient de ne pas aller à l’école, d’autres ne comprennent pas, «parce qu’ils sont habitués à vivre en troupeaux». Elle en est persuadée : «Ceux qui vont à l’école ne parlent que de ça. Toute leur vie tourne autour du bahut. L’école, c’est une vie à part.»


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