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vendredi 29 octobre 2010

Le décor de l’aventure ou la future école « Fan de Loup » -2-

Fils d’émigrés italiens, élève brillant qui avait réussi dans le système républicain grâce aux bourses que l’on distribuait alors au mérite à ceux dont l’Etat espérait qu’ils formeraient ensuite l’élite de la nation, mon père vouait à l’Instruction Publique un respect sans borne, et s’émouvait à l’avance de cette petite école qui accueillerait et formerait ses petites filles.  Ma mère, plus discrète, avait froncé les sourcils d’un air un peu grondeur : nous n’avions pas d’enfant en 1980, et cette remarque lui semblait maladroite. Pourtant elle partageait forcément cet enthousiasme, elle qui vouait à ses anciennes institutrices un souvenir ému, et qui n’avait abandonné son poste de jeune enseignante que pour  des motifs futiles, mais inattaquables, d’inconfort et de panique incontrôlée devant la tâche ingrate qui l’attendait. Nommée dans une école reculée de la campagne Forézienne, elle prit peur en arrivant dans son nouveau poste, insalubre et malsain, et ne put supporter la perspective insurmontable d’enseigner à ces têtes bornées et morveuses qui la regardaient comme une bête curieuse, trop élégante, trop raffinée. Elle démissionna dans l’heure, et décida illico de trouver un travail plus adapté à ses ambitions de vie. Même respect de l’institution scolaire du côté de chez Michel, fils de professeur, petit-fils et arrière petit fils d’instituteurs périgourdins, et qui a grandi dans une ambiance de respect des hussards noirs de la République.

Mais le rêve de mon père devant cette petite école de campagne n’est encore que virtuel, car comme je le disais en 1980 nous n’avons toujours pas d’enfants. Choix qu’on ne peut dire raisonné, mais c’est sciemment que nous continuons à vivre nos découvertes et notre construction de la vie à deux seuls. Cette optique vaguement hédoniste et nécessairement égoïste nous apparaîtra un jour réductrice et dangereuse. Nous prendrons conscience alors qu’il est dans la nature de l’amour de donner, d’élargie son d’action, donc de procréer.
En attendant, je cherche du travail. La proximité de la ville de Cognac nous avait quelque peu réconfortés lors de notre installation en ces lieux reculés. Il nous semblait que la quantité de maisons de négoces, d’entreprises liées à l’activité des spiritueux, était rassurante, et devait m’offrir des débouchés en lien avec mes études et mon niveau universitaire. Nous étions d’une naïveté déconcertante, et a posteriori nous avons compris qu’ici plus qu’ailleurs, trouver du travail sans relations relevait de la plus pure utopie. Celles que nous fîmes intervenir étaient obsolètes ou insuffisantes, sans doute le sont-elles toutes. Je commençais à désespérer, et allais même jusqu’à faire bénévolement des traductions franco-italienne et vice versa pour l’organisme manitou du secteur, le Bureau International du Cognac, espérant, en vain, qu’on m’en serait un jour reconnaissant. Une telle candeur a de quoi faire sourire les gens du cru, et sans doute furent-ils ravis de cette aubaine inespérée, sans jamais se sentir à mon égard la moindre obligation, j’étais par trop simplette dans mes attentes !

Il me fallut donc trouver autre chose, et ce fut par l’intermédiaire de l’APEC que je trouvai un emploi de maîtresse auxiliaire dans un lycée privé sous contrat de l’Académie de Bordeaux. Cet établissement, bien sous tous rapports, mais terriblement esclavagiste, m’offrit le contrat suivant : 6 heures de cours par semaine, soit un tiers-temps et un salaire à l’avenant, sur 4 jours. Il s’agissait tout simplement de faire des cours d’informatique et de gestions à de jeunes gamins insupportables qui n’en avaient cure. L’informatique, dans ces années reculées, se limitait au niveau de l’enseignement à un brouet théorique vaguement pédant, et à approche tâtonnante du langage Basic. Pour la théorie, je m’offris TOUS les livres que je trouvais dans les librairies bordelaises, développant à qui mieux mieux la définition sésame de la matière « analyse automatique de l’information ». Pour la pratique, je m’initiai sans trop de problème à la logique de base de ce langage anglo-logique, et développai avec mes élèves des petits programmes d’une niaiserie surprenante. Le plus dur fut de faire face à l’agitation chronique de ces jeunes gens (la majorité de mes élèves était des garçons), impertinents et troublés par ma gentillesse et mon inexpérience.

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