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lundi 25 octobre 2010

EDUCATION A LA MAISON 10

Il fallait aussi réapprendre à faire des projets, et si possible des projets en commun. Il y a eu à cet égard une période un peu floue durant laquelle Michel s’est lancé avec frénésie dans l’engagement syndical. Je me suis sentie totalement larguée, je n’avais quant à moi plus aucun engagement associatif, tout ce que je faisais jusque là étant lié aux filles. Ma profession m’occupait, certes, mais conjuguant l’expérience acquise et une certaine sérénité due à l’ancienneté, cela me paraissait bien léger après la période précédente. Fallait-il que je cherche à mon tour des engagements, pour m’occuper ? L’âge et certaines déceptions aidant, j’avais perdu un peu la foi dans l’associatif et n’avais nulle envie de m’engager pour m’engager. Fallait-il que je change de travail pour avoir plus d’obligations, pour de nouveau me confronter aux difficultés du début, de nouveau connaître les angoisses de l’apprentissage ? J’ai très sérieusement envisagé de me reconvertir, mais devant la perspective conjuguée d’un inconfort matériel certain car toute nouvelle profession m’obligeait à quitter ma région, et d’une dégradation prévisible de nos revenus, j’ai finalement abandonné cette ambition. J’ai donc petit à petit essayé de reconstruire mon horizon, et une étape primordiale de cette reconstruction m’a toujours semblé être la rédaction de ce blog.
Elle a été longue à entreprendre car finalement je n’avais pas aveuglément confiance en nous, et j’avais besoin que le temps me démontre que les filles s’en sortaient. Certes elles avaient obtenu toutes le baccalauréat brillamment, mais là n’était pas notre ambition essentielle, et elles auraient sans doute obtenu ce diplôme sans difficulté au sein du système scolaire traditionnel. Notre challenge était ailleurs, nous voulions en faire des adultes heureuses, équilibrées, armées pour la vie, bien dans leur peau, ayant en main un maximum d’atouts pour réussir leur vie. Il a fallu attendre pour s’assurer que leur intégration se passait sans accroc, pour avoir des informations en retour sur leur niveau réel, mises en compétition avec des jeunes vraiment brillants. Il a fallu patienter aussi pour leur laisser le temps de s’adapter, de se confronter aux autres, pour s’assurer qu’elles ne conservaient pas de séquelles de cette longue période un peu hors du monde où nous les avions « cultivées », choyées mais aussi peut-être trop protégées. Il fallait du recul pour détecter et analyser les erreurs commises. Aujourd’hui, Marie a terminé Sciences Po Paris depuis maintenant 3 ans,  Hélène a le double diplôme de Centrale Lille et de l'ENSAE, toutes deux travaillent et il me semble que nous avons un regard plus serein sur leur situation et que ce bilan peut enfin être rédigé.
Le blog n'est en fait que l'ultime étape de cette aventure. Ecrit il y a déjà assez longtemps, je profite de la publication pour relire une dernière fois ces lignes. Jamais nous ne parlons de ces années avec les filles, et nous respectons leur silence. Elles n'aiment pas, je crois, que nous évoquions cette époque : pas envie d'être "spéciales", "pas comme les autres", pas envie de nous voir jouer les anciens combattants, pas besoin de faire le point sur ce qu'elles ont vécu sans en avoir réellement fait le choix. Contrairement à nous qui avons vécu l'histoire, puis sommes passés à autre chose, elles ne se sont pas forcément approprié cette partie de leur vie et n'ont pas encore assez de recul pour pouvoir en parler avec nous. Mais, il suffit, je n'ai pas à être, en plus de maman et de prof, la psy de ces demoiselles !!

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